SLICE


a Kongkiat Komesiri film
Screenplay: Wisit Sasanatieng
Cast: Chatchai Plengpanich, Arak Amornsupastri, Sontaya Chitmanee, Jessica Pasaphan
Producer: Kiatkamon Iamphungporn
Running time: 90 min.
Contries : Thaïlande

L'avis du BIFFF :

Attention les mirettes : voilà du Charles Perrault trempé dans du vitriol ! Ou comment un petit chaperon rouge sanguinaire se la joue petit poucet gore dans les rues de Bangkok, sauf qu’il ne laisse pas de petits cailloux derrière lui, mais des cadavres enfermés dans des malles avec, à chaque fois, leur rouleau de printemps enfoncé dans la rondelle intime. Ce découpage d’un raffinement freudien agace pas mal la police du coin, d’autant plus que la dernière victime est le fils d’un politicien très en vue. Pour éviter de passer pour un connard laqué aux yeux de ses supérieurs, le commissaire Chin va faire appel à son ancien partenaire (professionnel s’entend), Tai, qui moisit en prison pour des raisons pas très nettes. Le deal est clair : il a quinze jours pour retrouver le tueur sinon il retourne au placard. Et s’il essaie de prendre la poudre de scampi (expression locale), c’est sa copine, retenue en otage par Chin, qui va trinquer à sa place. N’ayant guère le choix, Tai va traquer le tueur dans les moindres rizières et quand il découvrira le lien qui reliait toutes les victimes, le cauchemar ne fera que commencer…

Avec Wisit Sasanatieng, scénariste du post-moderne Tears of the Black Tiger - premier film thaï sélectionné à Cannes - et de Citizen Dog - considéré par Time Magazine comme l’un des dix meilleurs films de 2005 - et le réalisateur Kongkiat Komesiri (Art of the devils), c’est le gratin du Siam qui s’est plié en quatre pour faire ce Silence des Agneaux asiatique. Une grande réussite puisque le remake U.S. est déjà sur les rails…

MON HUMBLE AVIS :

La Thaïlande a plusieurs visages, l’un, lumineux, est celui d’une culture riche à la mythologie foisonnante, trouvant ses plus belles illustrations dans les films d’arts martiaux historiques, l’autre, plus sombre, est celui d’un pays pauvre où le tourisme sexuel exploite les plus déshérités… c’est cet aspect sinistre, sordide, dégueu, du pays, que « Slice » a choisi d’illustrer, avec toute l’exubérance, la gratuité, et le voyeurisme malsain nécessaire.
Le scénario de polar est parfait, aucun manichéisme, le mystère reste entier jusqu’à la révélation finale, et l’enquête sous forme de flash-back est passionnante, il a été écrit par Wisit Sasanatieng, déjà auteur des excellents « Larmes du tigre noir » et « Citizen dog ».
Le film est réalisé avec beaucoup d’énergie par Kongkiat Komesiri (metteur en scène de « Muay Thai Chaiya » et collaborateur sur « Ong Bak » et « Bang Rajan »), ça fourmille d’idées et de trouvailles simples pour donner du rythme (montages alternés, changements d’époques, variation de lieux, amples mouvements de caméra).
Il y a même des expérimentations visuelles surprenantes dans la première partie du film, avec des effets numériques pour raccorder des plans dans le même axe par exemple, impressionnant et inattendu dans une série B.
La direction de la photographie est hallucinante, comme souvent chez les Thaï, on trouve un festival de couleurs vives, criardes, du rouge et du vert, des lumières aux néons, violentes, fluos… par opposition, les scènes dans le passé en milieu rural donnent dans le camaïeu sépia.
Avec son montage tantôt speed, tantôt onirique, le film ressemble finalement bien plus à un giallo que le dernier Argento, mis à part l’utilisation d’armes à feu par le criminel.

Les décors donnent à voir les rues les plus crasseuses d’une ville thaïlandaise, aux trottoirs bondés de prostituées, de junkies, de macs et de racailles de la pire espèce.
Dans le passé, on découvre un village à l’ancienne, dont la face sombre n’est pas plus reluisante.
Les tenues des personnages sont aussi follement colorées que les décors, personne n’oserait porter de telles chemises dans un film (à part à Bollywood peut être)… mention spéciale au chef de la police : imaginez un gus aux cheveux ébouriffés, teints en blanc, avec une chemise hawaïenne, la clope au bec, avalant sans cesse des cachets, ça fait sérieux non ?
Le tueur dispose lui aussi d’un look singulier et réussi, totalement recouvert d’une tenue souple en soie rouge, de la tête aux pied, le visage couvert d’une cagoule, avec une cape virevoltante épousant ses mouvements aériens.
On trouve aussi de très bons effets spéciaux gores, les cadavres découpés en morceaux, emmagasinés dans des valises, et retrouvés après plusieurs jours passés dans la flotte sont dans un état peu ragoûtant et totalement réaliste.

Il y a aussi des égorgements, des maladies de peau dégueulasses, des explosions de tête ou de bras par balles, des émasculations (on retrouve les bit** des victimes dans leurs c*ls !)… bref c’est un festival trash.
Les acteurs sont très forts puisqu’ils parviennent à nous émouvoir même dans un contexte aussi crade, le scénario très humain, où chaque personnage a ses failles, y est pour beaucoup.
La musique est bien rock’n roll, elle bouge beaucoup et donne du rythme.

En conclusion ce film a beaucoup de qualités visuelles et techniques, son scénario policier est une belle réussite, mais il faut quand même déplorer son côté malsain jusqu’auboutiste, il est difficile de se divertir avec une histoire où des enfants subissent des abus sexuels… mais le plus grave est que cela semble si banal pour les thaïlandais, qu’ils soient capable d’en faire de l’humour noir, ou au mieux les ressorts d’un drame, mais sans vraiment s’en traumatiser… hard à digérer.

Une scène mémorable qui vous donnera (peut être) envie de voir le film :
L’attaque d’un club échangiste par le tueur masqué est totalement hallucinante, et digne d’un chef d’œuvre baroque (à la Brian de Palma des débuts).
Les clients nus, et masqués eux aussi, court paniqués en tout sens, au ralenti, sur une musique de ballet remixée techno, tandis que le tueur virevolte comme dans un film de John Woo en les canardant au fusil à pompe… le décor explose en milles morceaux, ce n’est plus le f**tre qui gicle mais le sang, et le dernier plan est incroyable : une tête couverte d’un casque en forme de boule à facettes explose littéralement sous l’impact d’une balle, au ralenti une des facettes de la boule est projetée jusqu’à percuter la caméra en gros plan. Waow !