CARGO

 

an Ivan Engler & Ralph Etter film
Screenplay: Ivan Engler, Patrik Steinmann, Johnny Hartmann, Arnold Bucher & Maria Cecilia Keller
Cast: Martin Rapold, Michael Finger, Claude-Olivier Rudolph, Yangzom Brauen, Maria Boettner,
Regula Grauwiller, Anna-Katarina Schwabroh, Pierre Semmler, Noa Strupler, Gilles Tschudi
Running time: 120 min.
Contries : Suisse

Avis du BIFFF :

Il fallait s’y attendre : au 23e siècle, notre terre ressemble à une énorme fosse septique à ciel (c)ouvert et nos chers descendants n’ont d’autre choix que de s’entasser comme du bétail dans des stations spatiales surpeuplées gravitant autour de la charogne bleue. Laura, qui en a marre de partager son carré d’oxygène, ne rêve que d’une chose : se carapater sur RHEA – petit lopin de terre préservé à quelque cinq années lumières de sa roulotte rivetée – pour rejoindre sa soeur, qui ignore tout des pluies acides dans sa robe à fleurs. Et puisque les places sont aussi chères qu’un showcase privé de Bono, elle accepte d’embarquer à bord du Kassandra en qualité de médecin pour délivrer un cargo à la station 42 (une autre cage à lapins intersidérale) c’est payé rubis sur l’ongle et on hiberne 8 mois dans son crypto-jus en attendant son tour de garde. Que demander de plus ? Hé bien, éventuellement, un bonus sur la prime de risque parce que Laura va rapidement découvrir qu’elle va droit au casse-pipe et que la porte de sortie de son frigo-box autopropulsé n’est pas vraiment une option.

Il aura fallu dix ans de gestation, huit scripts différents et quelques crochets par L.A. pour qu’Ivan Engler puisse enfin accoucher de son premier film, avec l’aide de Ralph Etter en sage-femme du processus. Une patience très suisse, nous direz-vous. Certes, mais cette méticulosité transparaît à l’écran, et cet écospace-opera aux multiples clins d’oeil (Alien, Stalker, Sunshine), huis clos dans l’infini, est un véritable tour de force helvète !

MON HUMBLE AVIS :

Seul véritable film de science fiction du festival (au sens space opéra), « Cargo » nous propose un univers futuriste et spatial, crédible et bien représenté à l’écran.

Les humains ont abandonné la Terre, invivable écologiquement, pour habiter désormais cloîtrés dans des stations orbitales.

L’héroïne est un médecin qui s’engage à bord d’un cargo transportant des marchandises vers la lointaine colonie installée sur la planète Rhéa, du système Proxima.

Alors que tout le reste de l’équipage est en hibernation, durant son tour de veille, une mal fonction technique attire son attention sur la cargaison, loin d’être celle prévue…

La principale originalité du métrage est que son scénario fonctionne entièrement avec des problèmes de science fiction (technologie, politique, anticipation sociologique…), sans avoir besoin de puiser dans d’autres genres, le surnaturel ou le film de monstre, comme c’est malheureusement souvent le cas (par exemple « Event horizon », ou plus récemment « Pandorum », ou la quadrilogie « Alien »).

Réalisé avec des moyens suffisants, « Cargo » prend le temps d’installer son univers, de présenter ses personnages, avant que le suspens puis l’action prenne le pas.

Mis en scène sans temps mort, mais pas trépidant pour autant, il évite l’écueil du « film de couloirs » pour relancer l’intrigue régulièrement et nous éviter l’ennui.

Certes les prises de vues en synthèse sont plus libres que celles en live, et donc on a parfois du mal à passer de l’un à l’autre, les plans extérieurs sur les vaisseaux dans l’espace se permettant de beaux mouvements de caméra, tandis que les intérieurs en décors forcément réduits sont cadrés au plus proche des corps (beaucoup de plans américains, et de champ/contre-champ de conversations).

La photographie est moins morne qu’on n’aurait pu s’y attendre dans ce type de film, là où j’avais peur d’une série B trop sombre (pour cacher la misère), on a droit à de belles images bien éclairées, prenant des risques pour intégrer ses personnages dans des décors en synthèse réalistes.

C’est de la « hard-science », donc il n’y a rien de kitch mais au contraire un environnement fonctionnel, proche de « 2001 » ou du récent « Moon ».

La station spatiale du début montre du jamais vu à l’écran, et les amateurs de SF (en roman ou en BD) seront aux anges avec cette ville, insérée dans un tore, qui tourne autour d’un axe, pour créer la gravité artificielle… superbe de loin, elle est tout aussi crédible lors des plans rapprochés montrant les détail de l’accostage d’un vaisseau.

Il y a même des originalités inattendues dans les décors intérieurs du cargo, avec cette salle où sont entreposés des containers fixés dans le vide à des rails, ou bien ces zones où il n’est pas nécessaire de maintenir les supports de vie au maximum, pour faire des économies d’énergie, et où du coup on trouve du givre et des poussières gelées (je rappelle qu’il fait froid dans l’espace, -200° environ). Dans le même ordre d’idée les costumes sont réalistes, sans fioritures, comme dans « Alien », avec cet aspect inédit (des gants, des écharpes, des anoraks, et même des combinaisons isothermes intégrales).

On voit aussi de beaux scaphandres spatiaux, avec réacteurs de poussée par jet d’air comprimé, et encore une fois c’est du bel ouvrage, scientifiquement plausible.

Ainsi, nous avons des effets spéciaux compétents, certains esprits chagrin regretteront peut être ce tout numérique sans maquette.

Les acteurs sont corrects, mais nul ne tire vraiment son épingle du jeu, la faute peut être à une absence d’humour pesante dans le script.

La musique est passable, faisant trop de violons dans les moments d’émotions, et de simples sons aigus pour le suspens… que du stéréotype.
Je conclurai donc en conseillant vivement ce film aux fans du genre, car sa seule véritable fausse note est un twist légèrement éculé, mais ça n’empêche pas de prendre beaucoup de plaisir à sa vision.

Une scène mémorable qui vous donnera (peut être) envie de voir le film :
Je retiendrai surtout l’emploi d’un trucage vieux comme Mélies, lorsque l’héroïne doit gravir des échelles métalliques, on la voit filmée d’au-dessus comme si elle faisait un effort d’escalade avec le vide derrière elle, alors qu’en fait elle est filmée à l’horizontal !
Le premier à avoir utilisé ce truc dans un film de SF est John Carpenter avec « Dark Star »… il y a pire référence, non ?