GIALLO


a Dario Argento film
Screenplay : Jim Agnew, Dario Argento &Sean Keller
Cast: Adrien Brody, Emmanuelle Seigner, Elsa Pataky, Robert Miano, Silvia Spross, Lorenzo
Pedrotti, Daniela Fazzolari, Byron Deidra, Luis Molteni, Giuseppe Lo Console, Valentina Izumi, Taiyo
Yamanouchi, Barbara Mautino, Patrick Oldani
Running time: 92 min.
Contries : U.S.A. / Italie

L'avis du BIFFF :

Elles sont jeunes, elles sont belles, elles ont toute la vie devant elle… C’est-à-dire à peu près 48 heures, selon les desiderata du pervers qui les a kidnappées pour rafistoler leur gueule d’ange façon Picasso. Évidemment, ça inquiète pas mal Linda, débarquée à Turin pour faire coucou à sa star-des-podiums de soeur, puisque cette dernière lui a posé un lapin après un échange téléphonique assez flippant. Re-pas de bol pour Linda, la police piémontaise semble plus préoccupée par la double ration de prosciutto sur les pizzas que par la disparition de la soeurette, elle se voit donc obligée de travailler avec un inspecteur aussi causant qu’un parpaing. Mais elle va rapidement découvrir qu’Enzo (c’est son nom, au parpaing) est aussi un docteur en morbide qui traque ce fumier depuis un bout de temps, avec la même niaque qu’un tifoso devant une équipe de foot anglaise. Là où ça se corse un peu plus, par contre, c’est quand ils découvrent un nouveau cadavre de bimbo, qui tient plus de l’art abstrait qu’autre chose…

Retour gagnant pour celui qu’on ne présente plus, Dario Argento, véritable sociétaire du Bifff. Cette fois-ci, il nous revient avec Giallo, un thriller horrifique… qui n’est pas du genre giallo, puisque le titre fait ici référence à la couleur jaune en italien. Les rumeurs le rapprochent de son tonitruant Syndrome de Stendhal. Avec une affiche qui réunit Adrien Brody (Le pianiste) et Emmanuelle Seigner (La neuvième porte), on n’en attend pas moins !

MON HUMBLE AVIS :

Le giallo est un genre cinématographique italien à part entière, mélange de polar et d’épouvante, ou des maniaques assassinent de belles jeunes femmes à l’arme blanche.
Si Mario Bava a créé le genre, c’est certainement davantage Dario Argento qui en a forgé tous les codes visuels, et lui a donné ses lettres de noblesse.
Curieusement, malgré son titre et son réalisateur, ce film n’appartient pas tout à fait au genre giallo, car même si on y retrouve les ingrédients de base, on ne suit pas les déambulations des futures victimes mais celles des enquêteurs, et ce ne sont pas les rituels de mise à mort qui semblent cette fois passionner Dario, mais la psyché particulièrement tordue de ces personnages.
Cette fois on suit un flic (choix très rare chez Dario, qui préfère des personnages principaux féminins, les victimes potentielles du tueur, ou alors un simple quidam témoin malgré lui), dont le passé trouble lui permet de mieux comprendre les affaires de serial killer.
Bizarrement, l’assassin est interprété par le même acteur (Adrian Brody, toujours là où on l’attend le moins), ce qui trouble beaucoup pour suivre l’histoire, c’est une sorte de fausse piste, pas pour les enquêteurs mais pour les spectateurs, car cela ne joue aucun rôle dans le scénario ! Mr. Green
La réalisation de Dario fait une sorte de synthèse de ces différents styles, on y retrouve à la fois des scènes imitant le baroque d’antan (avec cadrages obliques et vives lumières jaunes à l’appui), ainsi que des séquences naturalistes (comme dans ses « expérimentations » plus récentes), et même (malheureusement) des méthodes télévisuelles routinières (dialogues champ-contre-champ, plans américains sur pied) sûrement héritées des « masters of horrors ».
La photographie est travaillée aussi selon cette « schizophrénie » artistique, mais finalement, en y réfléchissant bien, ça se tient tout à fait par rapport au scénario (variation sur Jeckyll & Hyde, façon « Dexter »).
Le titre (jaune en italien) nous amène forcément à des images dans ces tons, ce qui est symbolique de la mort (en occident du moins), surtout quand tout bascule psychologiquement, ou dans les flash-back sur l’enfance du héros.

Le montage du film est l’aspect le plus étrange (comme souvent avec Dario), car il distord le temps bizarrement, accordant parfois beaucoup d’importance (trop ?) à détailler des atmosphères, pour faire ensuite des raccourcis et des ellipses narratives sur ce qui n’intéresse pas le réalisateur (comme le dénouement de l’enquête policière, pour pas changer, qui se conclue abruptement).
Du coup ce rythme personnel, quasi-onirique, ne fonctionne pas toujours avec ce scénario plus terre à terre qu’à l’accoutumé, de plus on sent bien qu’il s’agit de l’œuvre d’un vieil homme, plus tellement en phase avec le tempo de son époque, et surtout celui des divertissements attendus par la jeunesse actuelle… personnellement, comme je suis un « vieux con » qui trouve que tout était mieux avant, ça ne m’a pas gêné, mais il est évident que c’est un point rédhibitoire pour beaucoup.
Les décors nous montrent la ville de Turin sous tous les angles, des plus beaux panoramiques touristiques aux endroits les plus glauques (tout en leur conservant malgré tout une beauté plastique)… on voit que Dario connaît et aime cette ville dans laquelle il vit depuis des années.
L’antre du tueur est particulièrement soigné et réussi, on y ressent une ambiance cauchemardesque alors qu’il ne s’agit que d’une usine de gaz désaffectée, et cela est dû tout autant au talent du décorateur, qu’à la mise en scène si particulière de Dario.
Les costumes de citadins modernes sont quelconques, mais il faut noter néanmoins l’effort de maquillage incroyable réalisé sur Brody pour qu’il puisse aussi jouer le tueur, difforme, atteint de jaunisse, l’œil torve, il est méconnaissable (on dirait la caricature de Stallone dans les Guignols de l’info).
On trouve des tas d’autres effets spéciaux réussis, dans tout ce qui est gore, comme des cadavres mutilés, un doigt sectionné qui pisse le sang en plein visage de la victime, ou encore un crâne qui explose comme une pastèque en tombant au sol, dégueulant sa cervelle sur le macadam… du tout bon pour les amateurs, mais rien de bien nouveau pour les connaisseurs, des sfx routiniers, sans excès, et pas assez nombreux pour regarder le film que pour eux.
Les acteurs sont le maillon faible de l’ensemble, car quelque soient leurs efforts, les dialogues sont parfois si insipides, et ils ne sont sûrement pas du tout dirigés par un réalisateur avant tout concentré sur l’image, qu’ils n’ont du coup jamais l’air d’y croire vraiment.
Ils traversent le film en faisant acte de présence, ou en en faisant des tonnes, en tout cas ça sonne souvent faux, et ça nous fait décrocher de l’histoire.
Le nouveau compositeur de Dario ne se montre pas non plus à la hauteur des mythiques Goblin, ou du seul Simonetti : si sa partition symphonique insiste lourdement sur le suspens, il lui manque cruellement le second degré rock’n roll qui arrangeait autrefois bien les choses dans les années 80.
Il y a pourtant tous les stéréotypes de ce genre de partition horrifique, violons stridents, ritournelle enfantine au piano, etc… mais ce premier degré si sérieux ne s’accorde pas avec l’humour involontaire d’un script bâclé.

En conclusion, malgré de bonnes idées et une bonne volonté évidente, ce n’est pas encore ce film qui réconciliera Dario avec ses anciens fans, aujourd’hui devenus ses pires détracteurs : de simples moqueurs qui ont refusé qu’il évolue toutes ses années, mais se foutent de sa poire quand il essaie juste de les contenter…
Allez Dario, je suis avec toi, tu les emmerdes tous ces jeunes cons, y a pas de maison de retraite pour les génies dans ton genre, alors continue coûte que coûte ! Mort de rire


Une scène mémorable qui vous donnera (peut être) envie de voir le film :
Le flic raconte son passé à l’héroïne, traumatisé par le meurtre de sa mère, il s’est vengé du tueur alors qu’il était encore adolescent.
Mais lorsqu’il a tué sauvagement le serial killer, il a été surpris sur la scène de son crime par un simple flic (aujourd’hui devenu son chef de la police)…
Il explique alors tout simplement comment il s’en est sorti :
« Je lui ai expliqué… il a compris ! »
… too much, non ? Mais ce n’est pas tout, pour faire exploser vos zygomatiques, Brody fronce les sourcils, et de sa voix grave il enfonce le clou :
« Seulement depuis, je crois que je ne suis plus tout à fait normal !!! »