VIY 3D (ou « La légende Viy »)

 

Genre : fairytale, fantasy, monster movie, mystery
Pays : République Tchèque, Russie, Ukraine
Réalisateur : Oleg Stepchenko
Cast : Alexey Chadov, Andrey Smolyakov, Charles Dance, Jason Flemyng
Scénario : Aleksandr Karpov
Soundtracks : Anton Garsiya
Producteur : Alexander Culicov, Alexey A. Petrukhin, Ruslan Ustinov
Distributeur : Cinepost Prod., Event Film
Année : 2013


Synopsis :

Cartographe du début du 18e siècle, Jonathan Green est surtout un gros branleur qui préfère de loin caresser une bonne paire de loches plutôt que la mappemonde de Mercator. Sauf que là, il vient de se faire gauler la main dans le string par un papa aristocrate qui a une folle envie de lui botter le fondement jusqu’au Tropique du Cancer. Fuyant alors l’Angleterre dans sa carriole aménagée comme une suite du George V, Green se jure de découvrir de nouvelles contrées luxuriantes et de revenir triomphant au pays. Le voilà donc qui se fourvoie en Transylvanie et qui se coltine les montagnes des Carpates en cherchant désespérément le sud de Nino Ferrer. Après s’être fait attaqué par des loups affamés pourtant taillés comme des grizzlys en rut, il finit par atterrir dans un village pour le moins étrange, peuplé de barbares géants au poil aussi soyeux qu’une brosse à récurer. Des monstres gavés d’hormones guerrières, certes… mais qui ont une frousse bleue d’une seule chose : et ladite chose nidifie peinard dans les parages, becquetant de temps à autre une vierge en attendant de lâcher l’enfer sur terre…

 

L’avis du BIFFF :

Remake très attendu du Viy de 1967, la superproduction d’Oleg Stepchenko va faire rimer le symbolisme de Nicolas Gogol – oui, c’est inspiré par môssieur Tarass Boulba – avec du steampunk brut de décoffrage ! Imagerie époustouflante, casting international (Jason Flemyng, Charles Dance) et un bestiaire à vous faire pleurer, Viy a un seul but : vous en mettre plein les mirettes et satisfaire vos appétits insatiables de fantastique déjanté !

Mon humble avis :

Vij (ou Vii, Viï, Viy, Vyi selon les traductions ; en russe Вий) est un conte fantastique de Nicolas Gogol, paru en 1835.
Vij avait déjà auparavant été adapté à 2 reprises au cinéma, en 1960, « Le Masque du démon » (La Maschera del demonio), film italien réalisé par Mario Bava, avec Barbara Steele et John Richardson, et en 1967 « Vij », film soviétique réalisé par Constantin Erchov et Gueorgui Kropatchev, avec Leonid Kouravlev et Natalya Varleï.
Cette adaptation cinématographique de 1967 fait figure d’ovni en Union soviétique.
Pendant longtemps, cette adaptation fût le seul film d’horreur produit en Union Soviétique.
On dit que Steven Spielberg lui-même serait allé puiser son inspiration dans les effets spéciaux, et dans les monstres du film, Viy reste une référence en la matière à cette époque.
Viy est le nom d’un monstre des ténèbres, commandeur des gnomes.
Ce monstre, dont les paupières géantes touchent le sol, a la particularité de voir ce que les autres monstres ne voient pas, lorsqu’il fait relever ses paupières…
Ce nouveau film en 3D a rapporté plus de 34 000 000 $ au box-office russe, ce qui en fait le plus grand succès commercial de l'année 2014 dans ce pays, pour un film russe.

Par contre, j’ai été stupéfait de croiser au générique le nom d’Uwe Boll comme « co-executive producer » !
Donc ce film est le remake de 2 chefs d’œuvres, tiré d’un conte lui même inspiré des légendes d’Ukraine, mais son scénario mélange d’autres influences mythologiques slaves, comme les Roussalka (des sirènes russes), ou une représentation démoniaque digne de Iachter, le dieu des profondeurs, le tout dans une époque où l’église orthodoxe a déjà supplanté ces croyances paganistes.
Le message du film est étrange, car plutôt que de juste illustrer le conte, on en fait une totale relecture, avec ce personnage du scientifique à la place du croyant qui en est normalement le héros : un sceptique anglais au milieu de la légende russe...
Son enquête amène à trouver des explications rationnelles à des phénomènes pourtant d’abord montrés comme fantastiques, ce qui est une « tricherie » désagréable pour les spectateurs.

La réalisation ample et ambitieuse est digne d’un blockbuster.
C’est un vrai film d’aventure, il ne fait pas peur, car ses éléments surnaturels ont souvent un design tout public, mais son vrai souci se situe dans son rythme inégal.
Les cadrages usent de ralentis, de plans très larges, d’avants plans recadrant l’image, et de mouvements suivant les personnages ou leurs gestes.
Il y a des moyens, grues, rails de panoramique, mais tout ça est surtout là pour produire des effets de perspective tape à l’œil, parfois gratuits, juste pour la 3D.
La photographie est colorée et lumineuse, privilégiant les bleus en extérieurs (pour insister sur le froid), et les orangés/dorés à l’intérieur, avec le thème omniprésent du feu, comme symbole de vie.
Parfois des orifices dans les maisons (fenêtres, trous dans les toitures, etc…) permettent à ces tâches oranges de ressortir avec un fort contraste dans le reste d’une image glaciale.

Le montage est speed et trépidant, mais ça n’empêche pas une exposition longue des personnages et des enjeux de l’histoire avant de rentrer enfin dans le vif de la légende.
De plus, il y a des ralentissements de rythme entre les scènes d’action, et globalement le film aurait gagné à être moins long, genre 1h20 au lieu de 1h50.
Comme décors, on a des intérieurs en studio, ou des extérieurs améliorés en synthèse, le tout avec art.
Parfois ça se situe visuellement entre le « Legend » de Ridley Scott et les « Frères Grimm » de Terry Gilliam.
On a une église de bois en ruines, bâtie au bord d’un précipice, vraiment gothique, des forêts brumeuses ou enneigées, mais le must reste l’intérieur de la carriole cosy du héros, avec ses gadgets steampunk à la « Wild wild west » !
Les costumes d’époque sont magnifiques, les cosaques ayant des coiffures et moustaches impressionnantes (des postiches pour certains), et vont de l’aristocratique le plus guindé, au paysan le plus gueux.
Les accessoires rajoutent de la crédibilité à la reconstitution historique, comme les sabres et autres mousquets, que vient nuancer les inventions fofolles du héros (pourtant garant de l’esprit scientifique et rationnel dans ce récit).

Pour les SFX, on trouve tout d’abord un générique steampunk avec des engrenages en synthèse, puis un costume de créature sylvestre, des fleurs ou des corbeaux animés, des esprits, la maquette de l’église, le fiacre steampunk, une ombre de femme sexy due à de simples objets, une sorcière volant pour multiplier les effets 3D, du feu numérique, des branches animées à la « Evil dead », un cercueil lévitant, des oisillons vivants dans la bouffe, une transformation d’humains en monstres délirants (tout droit issus d’un tableau sur les enfers par Jérôme Bosch ou un autre peintre du moyen âge), un cosaque décapité qui se bat encore en tenant sa tête à bout de bras, une baraque vivante dont l’intérieur n’est constitué que de mains, des cascades impossibles, et surtout le look incroyable du fameux Viy, aux multiples yeux sous ses lourdes paupières...
Dans ce déploiement de forces numériques, on regrettera par contre que parfois les interactions entre les acteurs réels et ces effets spéciaux ne soient pas aussi travaillés que leur design original.

Parmi ce casting slave, on trouve curieusement 2 acteurs américains, Jason Flemming (“Un cri dans l’océan”, “La ligue des gentlemen extraordinaires”, “Atomik circus”, “Le fils de Chucky”, “Stardust”, “Mirrors”, “Benjamin Button”, “Kick ass”, “Ironclad”, “Hanna”, etc…) en antihéros sympa, et Charles Dance (“Rien que pour vos yeux”, “Alien 3”, “Last action hero”, “Space truckers”, “Underwold awakening”, “Dracula untold”, etc…) en beau père sévère.
Les personnages secondaires ont tous des tronches du cru, et jouent avec vigueur leurs rôles bien tranchés.
Il y a peu de personnages féminins, à part la simplette symbolisant le pureté et l’innocence.
Pour la musique, on entend des mélodies mystérieuses, avec des voix graves, ainsi que du symphonique épique à la Prokoviev, quand ce n’est pas du « Myckey Moosing » qui ce contente d’illustrer l’image de façon un peu pompier.
En conclusion, ce métrage est un spectacle total, enflammé à la russe, et extrêmement généreux.
Il est pourvu de défauts légers, mais on les lui pardonne au vu de sa bonne volonté à nous divertir.
Selon « La Voix de la Russie », Viy aura bientôt une suite.
L’action de la deuxième partie de ce film, dont le personnage principal, un monstre des marais avec des longs sourcils et des paupières lourdes, se déroulera dans l’Empire du Milieu.
Et ce n’est pas du tout un hasard.

Il s’est avéré que Viy, un genre de « Dracula slave », aurait de la famille dans la mythologie chinoise.
Selon le producteur du film Alexeï Petroukhine, c’est la raison pour laquelle il a été décidé de tourner la deuxième partie de Viy en collaboration avec les collègues chinois.
« De nombreux cinéastes ont essayé au moins une fois dans leur vie de travailler ensemble avec des maîtres du cinéma chinois », explique Petroukhine.
« Ce qui nous intéresse, ce sont les cascades vertigineuses des réalisateurs chinois, ainsi que leurs idées étonnantes.
Ce n’est pas un hasard si les réalisateurs chinois deviennent constamment lauréats des prestigieux festivals internationaux.
Chaque nation a son épopée et son histoire.
Dans l'une des légendes sur l'origine du thé chinois, il y a un personnage qui ressemble à notre Viy.
Sur les paupières de ce personnage poussent des buissons de thé. »
Un grand voyage en Chine attend donc Viy dans la deuxième partie du film, ainsi qu’une bataille avec un sorcier pour sauver le dragon gentil...
Et les héros du film célébreront leurs victoires non pas avec l’alcool, mais avec du thé vert chinois !
En outre le deuxième volet sera composé de contes, et d’épisodes réels de l’histoire de la Russie et de la Chine.
« On y verra la fameuse campagne de l'empereur russe Pierre le Grand en Europe, de laquelle seule une petite partie de sa suite est devenue », explique le réalisateur.

« Le film comprend aussi des histoires les plus intéressantes des marchands des caravanes de l’Ancienne Route du thé.
Et puis la légende de l’apparition du thé en Chine sera également montrée au spectateur.
Toutes ces histoires se mêlent d'une manière inhabituelle l’une avec l'autre.
Les acteurs seront vêtus de très jolis costumes.
Et les effets spéciaux, créés grâce à l’ordinateur, deviendront la particularité de ce film.
Il s’agira des technologies qui n’ont jamais été utilisées.
Et nos collègues chinois nous aideront dans la réalisation de ces fameux effets spéciaux. »
En 2016 au BIFFF peut être ?…