You won’t be alone

 

Pays : Australie, Royaume-Uni, Serbie

Année : 2022

Durée : 1h38

Réalisation : Goran Stolevski

Acteurs : Noomi Rapace, Alice Englert, Anamaria Marinca

 

Une jeune fille transformée en sorcière dispose du pouvoir de prendre l’apparence de n’importe quel être ou animal.

Elle passe alors de corps en corps pour faire son expérience de la diversité des êtres vivants.

 

Véritable conte noir des frères Grimm à la manière de Terence Malick, cette splendeur visuelle truffée de scènes gores est aussi une extraordinaire réflexion sur l’existence humaine…

 

Mon Humble Avis :

 

Le message du film parle réellement du sens de la vie, c’est ambitieux mais c’est l’apanage de nombreux films fantastiques que de pouvoir être profond sans ennuyer ses spectateurs, et en proposant un angle inédit pour réfléchir à un sujet de société.

Cet enfant sauvage ne connait rien du mode de vie des humains, en obtenant les pouvoirs de la sorcière elle peut voler l’apparence des gens et se substituer à eux pour se cacher parmi nous.

Elle n’aspire qu’à s’intégrer, mais sa différence (qui apparait parfois comme une métaphore du handicap) l’oblige toujours à changer de peau sous peine de passer au bucher comme sa mentor.

Devenant tour à tour femme, homme, mère, enfant, elle voit l’existence humaine par tous les points de vue, en appréciant ainsi mieux les joies et les peines qu’il ne l’est permis à tout à chacun enfermé dans son nombrilisme réducteur.

Comme un anthropologue caméléon, elle saisit évidemment que l’amour est la seule chose qui compte, on se doutait bien que cela serait sa conclusion, mais dans un voyage ce n’est pas la destination qui compte !

 

La réalisation ressemble effectivement par bien des aspects à celle de Terrence Malick, en s’appesantissant sur des détails naturels, décrivant ce milieu rural macédonien par tous ces aspects les plus triviaux.

Relation de l’homme avec la nature, questionnement sur la non-importance de nos vies dans le cycle du macrocosme, ces questions sont traités comme l’auraient fait le célèbre réalisateur (le budget en moins).

 

Les cadrages sont variés, utilisant de beaux avant plans pour créer des mises en abîme (comme ce regard au travers des espaces entre les planches).

 

La photographie est de toute beauté, la lumière naturelle est dorée et crue, les couleurs sont chaudes donnant aux matières toute leur présence la plus concrète.

 

Le montage est l’un des souci du métrage.

On peut penser que le réalisateur a filmé des heures de rushes, puis construit son film au montage, raccordant des plans sans logique apparente par une voix off aux propos mystiques pas toujours bien clairs…

Du coup, on a un sentiment d’errance, puis de répétitions, sans véritable impression que l’histoire avance (même si c’est le cas comme on s’en rend finalement compte, si l’ennui ne nous a pas gagnés entretemps).

 

Les décors nous montrent une campagne superbe, mais des villages bien pauvres.

La grotte du début du film évoque l’allégorie de Platon, l’héroïne ne voyant du monde que des lumières, des ombres, et quelques flocons de neige.

Philosophique et poétique, le scénario utilise la nature pour nous rappeler que nous sommes peu de choses et qu’il faut apprécier la vie pour ce qu’elle est.

 

Les costumes traditionnels des paysans macédoniens ont une touche d’exotisme pour nous, mais le plus intéressant est de se dire que les costumes du personnage principal sont les apparences humaines qu’elle vole aux morts !

 

Les SFX représente ses transformations de façon assez gore : arrachant les entrailles du cadavre, elle doit les insérer dans un orifice sur sa poitrine pour changer d’aspect.

Les sorcières ont de plus des ongles griffus, et une griffe supplémentaire dans la paume de la main, un design original du au talent du concept artist, Seth Justus.

Il a aussi imaginé le look de Maria, la sorcière vieille fille au visage entièrement brûlé, que les maquilleurs ont réussi à merveille à retranscrire, malgré un budget restreint.

La scène du bûcher nous offre quant à elle des effets numériques très réussis aussi, en gros plan et en pleine lumière, il fallait l’oser.

Donc ces effets spéciaux sont finalement assez nombreux et de très bonne qualité, ce qui est étonnant dans un film fantastique s’apparentant davantage à un film d’auteur qu’à un film de genre au sens strict.

 

Le casting est plutôt puissant, toutes les incarnations du personnage permettent à différents actrices (et même acteur) de jouer l’héroïne, avec une continuité sidérante.

Son regard mi étonné mi fasciné de nos habitudes humaines les plus simples, et ses instincts primaires, rassemblent leur interprétation dans une unité étonnante.

Noomi Rapace, star de la saga Millenium ou de Prometheus, fait partie de cette série d’incarnations, c’est la seule actrice connue qui peut attirer l’attention sur le film.

 

La musique n’est pas terrible par contre, elle est presque absente, et très peu mémorable.

 

En conclusion, ce film surprenant n’est pas un chef d’œuvre, la faute à des longueurs mal maîtrisées, mais il pose des questions passionnantes, et met en scène un fantastique original et déroutant, dans un écrin visuel d’une beauté simple mais indéniable.

C’est déjà pas mal, non ?