Blaze

 

Pays : Australie

Année : 2022

Durée : 1h41

Réalisation : Del Kathryn Barton

Acteurs : Simon Baker, Yael Stone, Josh Lawson

 

Témoin du viol et du meurtre d’une inconnue par un homme, Blaze se réfugie dans un monde fantasmatique peuplé par un dragon.

Dans son premier long-métrage, l’artiste-peintre australienne Del Kathryn Barton met en images les échappées imaginaires d’une préado traumatisée par l’horreur d’une scène du monde adulte.

 

Une œuvre aussi bouleversante que marquante…

 

Mon Humble Avis :

 

Il se commet 903 viols par jour, soit plus de 250 000 viols chaque année dans le monde (viols déclarés), dont 84 767 aux Etats-Unis, 66 196 en Afrique du Sud et 22 172 en Inde.

Ces chiffres correspondent au 65 pays dont les Nations Unies ont accès aux sources policiers.

Le viol est un phénomène dont l'ampleur est donc bien plus grande que celle des homicides par exemple.

Apprenant ces statistiques effarantes, la peintre Del Kathryn Barton a décidé de s’exprimer sur ce sujet en réalisant son premier film.

Même si elle n’a pas assisté comme l’héroïne à un crime traumatisant, elle en a aussi profité pour dresser son autoportrait au travers de cette adolescente à la sensibilité poétique exacerbée, que les psys considèrent comme inadaptée socialement…

 

Contrairement à ce qu’on pourrait craindre d’un film réalisé par une peintre, la mise en scène n’est pas une suite de beaux tableaux statiques, mais une réalisation sophistiquée et énergique, qui met ses images en mouvement pour narrer son scénario subtil, alliant suspens psychologique et vision onirique de la sensibilité de son héroïne.

 

Les cadrages sont ainsi très variés, et présentent effectivement des plans bien pensés et bien équilibrés, foisonnant de détails à l’arrière-plan.

 

La photographie est absolument magnifique, et de plus assez originale : l’artiste a su reproduire la palette de couleurs vives de son art pictural sur grand écran, paillettes y compris, ce qui ressemble parfois à la photo de certains films thaïlandais, mélangeant le rose et le vert avec des ombres douces.

 

Le montage est suffisamment rythmé pour qu’on ne s’ennuie pas malgré que le métrage alterne des scènes de procès et d’angoisses d’une ado.

C’est un montage « dégraissé » de longueurs inutiles, qui sait prendre son temps lors des passages oniriques, pour poser une atmosphère étrange, mais sait aussi être énergique, voir même brutal comme durant l’agression, ou certains cauchemars de l’héroïne.

 

Les décors sont vraiment superbement travaillés, surtout les intérieurs, la chambre de l’adolescente devenant une représentation en trois dimensions de ses pensées les plus intimes.

La multitude de détails habillent alors les décors comme pour former une texture qui rappelle celles des toiles à l’huile de la réalisatrice.

 

Les costumes sont réalistes, rien à noter de particulier de ce point de vue.

 

Les SFX sont bien foutus aussi, il y a les blessures de la victime évidemment, mais surtout les délires surréalistes qui représentent les angoisses de la jeune fille : son dragon girly qui la soutient comme un doudou et qu’elle doit finir par tuer elle-même pour affronter sa peur en adulte, les jets de flammes qu’elle envoie en rêve sur le coupable, et toute une vision décalée qui lui permet d’accepter la réalité, dans toute sa cruauté.

Le casting est très bon, la jeune héroïne a été parfaitement choisie, elle interprète ce personnage complexe avec une sensibilité touchante.

 

Elle est soutenue par des seconds rôles solides, comme celui du père joué par Simon Baker de la série « Le Mentaliste », ou celui de la victime jouée par Yael Stone de la série « Orange is the new black ».

 

La musique est de l’électro ambiant assez sombre, d’où émerge quelques moments de grâce où la pureté d’un simple piano, ou de voix féminines éthérées parvient à nous remuer (difficile en effet de ne pas verser quelques larmes en regardant ce film au sujet difficile).

 

 

En conclusion, Blaze est une excellente surprise, le film arrive à nous faire prendre la mesure de toute l’horreur d’un tel crime, au travers des ravages sur la psyché d’un simple témoin, et cela sans être un pamphlet moralisateur ennuyeux, mais au contraire en étant un portrait poétique déchirant qui reste longtemps en mémoire bien après la projection du film.

Notons qu’il a gagné au festival du FEFFS 2022 en remportant le Prix du Public (CF Palmares 2022).