Nosferatu Fantôme de la Nuit

 

Nosferatu, fantôme de la nuit (Nosferatu: Phantom der Nacht) est un film fantastique allemand réalisé par Werner Herzog, sorti en 1979.

 

À Wismar, au xixe siècle, un jeune homme, Jonathan Harker (Bruno Ganz) part dans les Carpates afin de négocier la vente d'une maison avec le comte Dracula.

Dans une auberge, des villageois le mettent en garde et tentent de le dissuader de lui rendre visite car il est bien connu dans la région que le comte n'est autre qu'un vampire.

Harker va cependant lui rendre visite, à pied puisqu'aucun cocher ne veut l'accompagner, mais il tombe très vite sous l'emprise du comte, ne réalisant pas assez tôt qui est vraiment Dracula.

Dracula se rend alors en bateau dans la ville de Wismar, avec des rats cachés dans des cercueils, afin d'y transmettre la peste.

 

Réalisation : Werner Herzog

Scénario : Werner Herzog, adapté du roman Dracula de Bram Stoker

Photographie : Jörg Schmidt-Reitwein

Musique : Popol Vuh, Richard Wagner, Charles Gounod

Genre : Drame / Horreur

Durée : 107 min

 

Nosferatu, fantôme de la nuit est un remake du film muet Nosferatu le vampire réalisé en 1922 par Friedrich Wilhelm Murnau.

Herzog a développé le côté solitaire et tragique du personnage du vampire Nosferatu, au-delà de son aspect de prédateur.

En 1922, le vampire se nommait Orlock, en 1979 il redevient Dracula, car Murnau avait perdu son procès pour plagiat…

Mais alors, que signifie le mot « Nosferatu » ?

Nosferatu est un nom commun dans le roman Dracula de Bram Stoker qui répète une erreur de l’une de ses sources, Emily Gerard : Nosferatu signifierait « vampire » ou « non mort » en roumain, or dans cette langue, « vampire » se dit vampir ou vârcolac et « non-mort » : strigoi ; quant à nosferatu dont la forme correcte est nesuferitu (littéralement « l’insupportable »), il désigne « l’innommable » : le démon, le diable.

 

Le message du film semble interroger l’immortalité du vampire : bénédiction ou malédiction ?

Le personnage du vampire est devenu une icône culte, certains fans finissent par envier son éternité et son charisme envoutant.

Mais ici, Werner Herzog insiste plutôt sur les aspects négatifs de sa situation, sa solitude, sa décrépitude physique, son détachement des affaires humaines, son vampire semblant vivre une éternelle agonie de mourant, sans jamais être libéré par son décès.

 

La réalisation du cinéaste/documentariste cherche évidemment à ancrer davantage la légende dans un contexte plausible, sans en minimiser pour autant la portée tragique.

 

Les cadrages ont une bonne variation de valeur de cadre, avec une préférence pour les plans rapprochés.

Certains plans sont directement calqués sur ceux du film original (le vampire se penchant vers Harker par exemple), comme un hommage appuyé (« De toute façon, on ne peut pas faire mieux » se résout le remaker).

 

La photographie fait dans le naturalisme bucolique de jour en extérieur, et dans les ombres profondes de l’expressionisme allemand de nuit en intérieur.

 

Le montage est assez lent, on privilégie l’atmosphère, voire l’onirique.

Le temps doit s’écouler de façon irréelle, comme dans un rêve, ainsi que le décrit lui-même le personnage de Jonathan Harker dans ses lettres à sa fiancée…

 

La séquence d'ouverture du film, mise en musique par le groupe Popol Vuh, a été filmée par Herzog lui-même au musée des momies à Guanajuato au Mexique, où un grand nombre de corps de victimes d'une épidémie de choléra survenue en 1833 sont présentés au public.

Herzog avait vu ces momies naturellement momifiées lors d'une visite à Guanajuato dans les années 1960.

À son retour dans les années 1970, il a sorti les momies des vitrines dans lesquelles elles sont exposées et les a dressées contre un mur, en les classant séquentiellement de l'enfance à la vieillesse.

Le tournage a eu lieu au Pays-Bas, en Allemagne, et en Tchécoslovaquie.

Les décors retenus sont bien choisis, pour représenter l’époque, mais surtout pour leur style gothique à souhait.

Les décors naturels sont sublimes (montagnes rocheuses et embrumées, cascades et torrent sinueux), enfin une version tournée dans les lieux réels de l’action.

L’architecture et le mobilier du château de Dracula sont très fouillés, on y voit des statues démoniaques et des tableaux étranges, il l’air autant luxueux que décrépi (murs tâchés, toiles d’araignée, bouquets fanés dans des vases renversés)...

 

Les costumes offre une reconstitution impeccable du 19ième, pour toutes les classes sociales, et différentes origines ethniques (des bourgeois hollandais aux gitans des Carpathes).

 

Les SFX sont surtout du maquillage (léger sur Adjani au teint pâle, important sur Kinski qu’on fait ressembler trait pour trait à Max Schreck dans le Nosferatu original).

Dracula a donc la peau blanche d’un cadavre, des canines proéminentes et des oreilles pointues.

Notons plutôt l’absence heureuse d’effets spéciaux : en effet, quel plaisir par exemple de voir un véritable bateau (et non d’affreux CGI) filmé en mer depuis un hélico, ou rentrer dans les canaux d’une ville des Pays-Bas, ou encore les dizaines de rats et autres bêtes errant dans les rues !

On s’embêtait quand même davantage pour faire de bons films en ce temps-là !

 

Le casting réunit 3 grandes stars (Kinski, Adjani, Ganz).

Isabelle Adjani est idéale en fiancée maladive et tourmentée, qui s’avère résister à la séduction vampirique bien mieux que dans toutes les autres versions du mythe !

Bruno Ganz est une jeune premier avec une certaine classe, et un charisme viril.

Quand à Klaus Kinski, il a évidemment la folie nécessaire pour interpréter cette âme torturée et solitaire.

Il le joue comme un être affaibli, psychologiquement, par le poids de son immortalité.

La figuration nombreuse donne de la vie aux scènes urbaines ou rurales (passants, commerçants, paysans, enfants jouant dans les rues, etc…), ça rend crédible l’univers du film, et permet par conséquent au fantastique d’avoir plus d’impact.

Le réalisateur Werner Herzog lui-même interprète la personne qui enfonce son pied dans le cercueil, et a son orteil mordu par un rat.

 

La musique emprunte au classique pour faire dans le majestueux (le crépuscule au sommet), et la bande originale de Popol Vuh apporte la touche de mystère inquiétant, voire de spiritualité mystique.

 

En conclusion, ce remake est assurément plus proche du roman de Bram Stoker que le film original, ce dernier reste un chef-d’œuvre pour son époque, mais cette version apporte une dose supplémentaire d’étrangeté et de tragédie, par son interprétation et ses dialogues, ancrant davantage l’histoire dans une réalité, par ses couleurs et ses décors…

Ce mythe moderne sera de toute façon régulièrement réinterprété par le cinéma de génération en génération.