LITAN

La Cité des Spectres Verts

 

« Litan : La Cité des spectres verts » est un film français réalisé par Jean-Pierre Mocky, sorti en 1982.

 

Durant le carnaval de Litan, petite cité montagneuse et brumeuse, Nora a le sommeil troublé par un cauchemar.

À son réveil, une voix mystérieuse lui donne rendez-vous au téléphone, ce qui commence une course-poursuite à travers le village, Nora revivant tous les points forts de son cauchemar.

Les gens deviennent fous.

De plus, à Litan, l'eau recèle d'étranges « spectres verts », des vers luisants qui attaquent et désagrègent instantanément les humains par simple contact…

 

· Réalisation : Jean-Pierre Mocky

· Scénario : Jean-Claude Romer, Jean-Pierre Mocky, Patrick Granier, Scott Baker et Suzy Baker

· Musique : Nino Ferrer

 

Si l'on fait abstraction de « La Grande Frousse » en 1964 (ou « La Cité de l'Indicible Peur »), « Litan : La Cité des Spectres Verts » reste la seule incursion de Jean Pierre Mocky dans le domaine du cinéma fantastique.

A ce sujet, il déclara :

« Ce genre de cinéma coûte cher à produire, est difficile à tourner, et à la fin personne ne va le voir. »

Et il n'avait pas tout à fait tort puisque malgré un grand prix de la critique à Avoriaz en 1982, Litan ne rencontra pas vraiment son public en salles (16443 entrées), pas plus que lors de son exploitation en VHS sous le titre de « Litan : Les Voleurs de Visages ».

 

Le message du film est simplement une métaphore sur notre peur collective de la mort, illustré sous la forme de ce carnaval onirique mêlé de phénomènes surnaturels inexplicables.

Le film est co-écrit par Jean-Claude Romer, fondateur de la revue fantastique mythique Midi-Minuit, et l'ambiance du film se veut étrange, fantomatique, voire évanescente.

 

La réalisation de Mocky parait plus soignée qu’à l’accoutumée, il semble inspiré à créer des ambiances cauchemardesques, et à multiplier les péripéties (jusqu’à faire ressembler le métrage à un sérial d’antan).

Le réalisateur fait donc preuve d’une belle maîtrise pour l'atmosphère du film, mais beaucoup moins pour la clarté de son récit.

Il lance tellement de pistes, et pousse le spectateur à se poser beaucoup de questions auxquelles il n’apporte aucune réponse, que tenter de suivre l’histoire parait rapidement assez vain…

Il vaut mieux profiter du spectacle en le considérant comme une sorte de rêve psychédélique, et en apprécier les qualités plastiques sans trop se prendre la tête !

 

Les cadrages sont variés et parfois assez inspirés, on sent le tournage commando sans storyboard, mais où Mocky sait saisir les opportunités offertes par les décors, pour construire rapidement de belles images.

 

La photographie est donc le point fort du métrage.

Elle emploie des tons pastel, dans des camaïeux froids, avec des ombres douces.

Plusieurs plans sont mêmes magnifiques, et la brume renforce le côté mystérieux de cette histoire sur la mort.

 

Le montage est plutôt dynamique, même assez rapide par moments.

Le film devient rapidement une sorte de fuite, où l’héroïne court sans cesse d’un cauchemar à un autre.

De plus les actions simultanées du couple séparé permettent des montages en parallèles, afin de zapper les passages ennuyeux, et de faire rebondir l’action sans cesse.

 

Les décors magnifient la ville d'Annonay, choisie à dessein par le cinéaste pour être le lieu de ces élucubrations fantastiques, et elle s'y prête remarquablement bien : torrent nerveux, ruelles en ruines, routes pavées, végétation verdoyant des murs trop humides, dénivelé important de montagne boisée, et nombreux bâtiments délabrés à l’abandon.

Tout à fait le type de décor qu’on pourrait voir dans ses cauchemars, un village qui a l’air banal de prime abord, mais avec un indéniable côté inquiétant et malsain.

 

Les costumes sont quelconques pour ce milieu rural, mais ce sont les masques de carnaval portés par les habitants de Litan qui les rendent effrayants (personnes âgées, démons, squelettes, porcs, etc)…

L’orchestre en costume rouge et visage argenté est une image forte qui fut souvent reprise pour représenter le film.

Mocky porte un blouson de cuir d’aviateur pour avoir l’air d’un homme d’action plus baraqué (d’ailleurs il se nomme Jock dans le film, ce qui signifie « sportif »).

 

Les SFX représentent les vers luisants aquatiques et la désintégration des humains dans des lueurs phosphorescentes.

Ils sont assez basiques mais ne sont employés que dans quelques plans rapides.

 

Le casting est aussi un point fort dans ce film.

Marie-José Nat est une excellente actrice, qui apporte beaucoup de sérieux à ce qui aurait pu être facilement un nanar sans elle.

Mocky lui-même se donne le beau rôle, mais force est de constater qu’il s’en tire pas mal, surtout tout en réalisant le film.

Drôle de choix par contre de faire jouer le médecin fou par le compositeur du film, Nino Ferrer, il a un charisme certain mais son rôle n’a pas été assez développé pour qu’on en profite réellement.

Pour les seconds rôles et la figuration, Mocky n’hésite pas à employer des locaux amateurs, faisant ainsi travailler une bonne partie de la population d'Annonay, ce qui donne parfois des résultats bizarres (pas forcément une mauvaise chose dans ce contexte)…

 

La musique de Nino Ferrer est envoutante et étrange, elle illustre parfaitement le propos du film.

 

En conclusion, ce film fantastique est une très bonne surprise, parce que c’est courageux d’en tenter un en France d’une part, et surtout parce qu’il a une touche personnelle incontestable.

On peut y voir une sorte de version franchouillarde de « Twin Peaks » de Lynch bien avant l’heure (un village de montagne où tout le monde est cinglé et où des évènements étranges ont lieu sans explication claire), mais même ainsi on restera loin du compte, car Mocky y ajoute un soupçon d’anarchisme, et de critique paranoïaque des institutions, qui lui est propre.