RA-ONE

 

Director: Anubhav Sinha
Genre: Science Fiction
Section: Sélection Officielle
Countries: Etats-Unis, Inde
Year: 2010
Actor: Shah Rukh Khan, Kareena Kapoor, Arjun Rampal,...
Producer: Gauri Khan, Shah Rukh Khan (uncredited), Sameer Khan (line prod.)
Executive producer: Sanjiv Chawla, Swapna David, Prashant Shah, Rajan Vanmali
Length: 156 min.

L’AVIS DU BIFFF

Programmeur de jeux vidéo à Londres, Shekhar a le sex-appeal d’un grille-pain et une coiffure mi-Hasselhoff mi-poils pubiens ; mais c’est surtout un papa poule qui ferait n’importe quoi pour son fiston Prateek (c’est pas une faute d’orthographe, c’est son nom). Et le fiston veut un nouveau jeu vidéo avec le plus salopard des vilains de console, une sorte de condensé de Dark Vador, Sauron, Megatron et Chuck Norris pour le mawashi bionique. Shekhar exauce donc ses vœux et crée Ra.One, une intelligence artificielle qui dit plus souvent merde que merci. Prateek, qui peut enfin tâter de la force obscure, a même l’occasion d’essayer une version démo du jeu où il met une branlée pas permise à l’infâme Ra.One. Ce dernier digère évidemment très mal l’affront et décide de sortir de sa cage pixellisée pour bouffer du gnome au deuxième round. Et dans le monde réel, y a pas de bouton Reset. Ce qui veut dire qu’on va rapidement passer de la théorie à la Prateek en charpie…

Plus gros budget jamais alloué à un film indien, Ra.One affiche clairement ses prétentions universalistes : effets spéciaux époustouflants, clins d’œil évidents à Terminator II, Real Steel et à l’indéboulonnable Matrix, qui reste un mètre-étalon dans le sérail. Ra.One a même revu à la baisse l’aspect masala de Bollywood (à peine trois chansons, dont certaines écrites par Akon) et révèle - pour ceux qui ne le connaissent pas encore - la méga-star Shah Rukh Khan, le Tom Cruise de Mumbaï (ou Ben Stiller, au choix).

MON HUMBLE AVIS

Brassant « Iron man », « Tron », « Terminator » et « Matrix », pour en tirer les références incontournables, Bollywood veut offrir à sa star Shah Rukh Khan un écrin aussi luxueux que possible.
Le message du film est malheureusement encore une vision alarmiste et moralisatrice des progrès de la science.
Son scénario anticipe que les images de synthèses en 3D seront bientôt des hologrammes tactiles, et imagine le pire pour leurs applications à l’industrie du jeu vidéo.
Les gosses veulent des jeux de plus en plus violent, et sans morale, pour se défouler.
Ils aiment les bad guys plus que les héros, aussi le scénario imagine un vilain ultime n’acceptant pas que la partie s’interrompe, qui sortirait du jeu pour poursuivre le combat contre le jeune joueur, dans la réalité !
Cette vision alarmiste nous menaçant des dangers de l’évolution pour les gamers s’accompagne d’un traitement bien trop naïf, auquel les geeks de SF auront du mal à accorder leur sympathie.
Et pourtant, la réalisation hyper dynamique, aux savants cadrages excentriques (façon comics de super héros) sert l’action de manière efficace, autant que les spectaculaires effets spéciaux.

La photographie toujours plus colorée (kitch ?) que dans un blockbuster amerloque renforce le côté « gentillet » de l’histoire (malgré quelques décès plus cruels que d’habitude).
Le montage est donc très énergique, les rares scènes sans action trépidante sont soit des clips dansés, soit des enchaînements alertes, suivant de toute façon le rythme de la musique.
Il n’y a aucun passage ennuyeux, humour, romance, action, suspens, se succèdent dans le plus parfait foutoir !
Les décors sont impressionnants.
D’abord situé à Londres, le film nous donne à voir de gigantesques buildings, et des monuments caractéristiques de la capitale anglaise (comme son Tower Bridge par exemple), puis l’histoire fait un crochet par Mumbaï en Inde, et nous en montre autant (l’aéroport, la gare, une belle villa), avant de retourner en Grande Bretagne.
Les costumes les plus travaillés sont évidemment ceux des deux personnages, super héros et super vilain, tirés du jeu vidéo.
Leurs looks élaborés mélangent plusieurs influences, Iron man et Tron pour le héros G-One, Matrix, Spawn et Magneto pour le vilain Ra-One, incarné par plusieurs acteurs tout au long du film (il imite les apparences en transformant son hologramme).
Il y a énormément de SFX, qui vont des doublures en synthèse, aux extensions de décors en 3D, en passant par les voitures jetées dans les airs, Shah Rukh Khan courant le long d’un train, ou lançant des boules d’énergie, un univers SF de jeu vidéo avec moto aérienne, les impacts façon Terminator sur les hommes virtuels, ou les interfaces holographiques des ordinateurs…
On trouve donc beaucoup d’effets, parfois ce sont des images de synthèses mais de niveau d’animatiques de videogame, parfois juste des trucages optiques à base d’écran vert…

Shah Rukh Khan est un acteur qui se donne toujours à fond, quelque soit le rôle, comique ou dramatique, il offre le meilleur de lui-même à son public.
Ici encore, il joue à la fois le père anti-héros gaffeur à la Darry Cowl, puis le super héros virtuel dans des scènes tout à tour humoristiques (et souvent pathétiques), ou spectaculaires (de l’action pour laquelle Shah Rukh Khan a encore refait de la gonflette, exhibant des « plaquettes de chocolat » musclées, que peu de quarantenaire peuvent déployer !).
L’actrice Kareena Kapoor est plus épatante dans les grimaces comiques que dans les scènes romantiques.
Notons un caméo de Rajnikanth, l’acteur jouant Roboga dans « Enthiran », totalement inutile au récit mais amusant, et montrant bien l’impact de ce film déjà culte.
L’enfant est attachant, et une bonne performance d’acteur de son jeune âge est suffisamment rare pour la remarquer.

Point fort de tout film de Bollywood qui se respecte, la musique fait tout ce qu’elle peut pour épater la galerie, entre ses mélodies héroïques, et ses morceaux techno-pop chantés et dansés, seulement elle véhicule davantage d’émotion lorsqu’elle s’autorise à des airs traditionnels, que quand elle cherche à être trop moderne.
Pour conclure, « Ra-One » est une incursion moyennement réussie des hindous dans le genre super héroïque.
S’ils ont encore des progrès à faire pour dépasser les simples références, les digérer au lieu de se contenter de les étaler, et créer véritablement leurs propres mythes modernes, ils ont assurément les moyens de leurs ambitions, et nul doute que leur prochain essai sera le bon.