LA CHISPA DE LA VIDA (AS LUCK WOULD HAVE IT)

 

Director: Alex de la Iglesia
Genre: Thriller
Section: Compétition Thriller, Sélection Officielle
Competition: Compétition Thriller 2012
Countries: Espagne
Year: 2012
Actor: José Mota, Salma Hayek, Blanca Portillo, Juan Luis Galiardo
Producer: Andrés Vicente Gómez, Ximo Pérez
Executive producer: Randy Feldman, Jenette Kahn, Géraldine Polveroni, Adam Richman

L’AVIS DU BIFFF

Auparavant, Roberto était un vrai fils de pub : salaire mirobolant, sollicitations incessantes, contrats juteux, escapades éclairs dans des paysages de carte postale, brainstormings au Moët & Chandon avec des collègues qui blanchissaient leur chaussure à chaque éternuement (et ce n’était pas de la chaux)… Roberto était pornocrate de luxe, payé pour faire cracher le consommateur au bassinet. Il était même l’inventeur du slogan : l’Etincelle de la Vie, pour le fameux mousseux brun au coca ! Mais, tel un Kerviel à l’ascension et au déclin fulgurants, l’ascenseur social a plongé notre pauvre Roberto dans les abysses de l’oubli. Jusqu’au jour où ce dernier se retrouve entre la vie et la mort, dans une situation propice à faire venir toutes les hyènes des faits divers. En tant qu’ancien courtisan de l’über-médiatisation, il va alors utiliser ses talents de baratineur afin de se vendre comme une marque déposée et, du même coup, mettre sa famille à l’abri du besoin pour un bon bout de temps. Scoop, toujours prêt !

Après sa critique barrée du fascisme dans The Last Circus (présenté au BIFFF l’année passée), notre ami de la Iglesia s’attaque cette fois à la dictature des médias en tant que trépanation quotidienne des spectateurs. Le morbide voyeuriste, le sensationnel, la télé-réalité, autant de sujets d’actualité qui font de ce film le digne successeur de Network (Sidney Lumet). Les nominés sont Salma Hayek, Nacho Vigalondo, Santiago Segura et Carolina Bang. C’est tout… Pour le moment.


MON HUMBLE AVIS

Le thème des dérives des médias, et du pouvoir de l’image dans nos sociétés libérales n’est pas nouveau au cinéma, « Le prix du danger » d’Yves Boisset, « Rollerball » de Norman Jewison en 1975 puis de John Mc Tiernan en 2002, « Battle Royale » de Kinji Fukasaku, « Running man » de Paul Michael Glaser, ou plus récemment le film événement « Hunger games » de Gary Ross, sont tous déjà passés par là, mais tous ces films s’inscrivent dans un contexte futuriste d’anticipation, et privilégient l’action, alors que « La chispa de la vida » est une comédie dramatique, qui se passe de nos jours.
Seul « Live ! » de Bill Guttentag était, à ma connaissance, déjà dans le même registre, mais là encore il proposait une situation inédite, n’existant heureusement pas encore (la mort en direct pour une émission de télé réalité), pour servir son propos, alors que « La chispa de la vida » se contente d’une situation anodine de fait divers, tout à fait crédible, puisqu’il en arrive de semblables sans arrêt de par le monde.

Qu’est ce qu’Alex de la Iglesia peut donc apporter de nouveau dans un tel contexte ?
Il apporte le ton général de son film bien sûr, plus acerbe, plus critique, plus « jusqu’auboutiste » dans la description des bassesses amorales des faiseurs de fric de la télé, avec de l’humour, noir bien sûr mais moins cruel que d’habitude, plus tendre avec ses personnages, et avec un positionnement politique clairement engagé à gauche, et pas juste une critique anarchiste, comme c’est souvent le cas sur ce genre de thème.
Sa réalisation est toujours vive, avec un montage alerte, les gags caustiques et les situations émouvantes s’enchaînent sans temps morts, dans une trame narrative finalement toute simple.
Il y a beaucoup de variations de valeurs de cadre, allant des gros plans sur des personnages souvent immobiles, à leur position dans le décor par des plans larges sur le théâtre antique.
D’ailleurs, le générique de début s’ouvre sur des détails de statues en hyper-gros plans et en fondus enchaînés, dont on ne comprend l’importance qu’une fois arrivé à la fameuse scène de l’accident.
La photographie est professionnelle, mais assez anodine, l’image semblant moins travaillée que d’habitude chez le réalisateur, pour un look plus téléfilm, convenant finalement assez bien au sujet.

Les ruines romaines sont un décor idéal pour le drame humain s’y déroulant, ramenant le citoyen lambda au statut de gladiateur, ou de spectateur d’arène, ce qu’il est chaque jour devant sa télévision.
Rien à signaler sur les costumes (si ce n’est les tenues quand même classes et sexy de Salma Hayek, censée n’être qu’une simple ménagère, femme de chômeur !).
Il n’y a pratiquement pas de SFX, on trouve juste une simple touche finale de gore, pour un film finalement très loin (dans sa forme uniquement) du grand guignol des débuts d’Alex de la Iglesia (« Action mutante », ou « Le jour de la bête » par exemple).
Les acteurs font tout le travail sur un tel film, et ils le font bien.
José Mota qui a le rôle principal est en route pour les Goya (les oscars espagnols), et il le mérite car sa performance est impressionnante, de force et de justesse, surtout pour un comique télé complètement à contre emploi.
Pour un premier rôle au cinéma, c’est assez fort de parvenir à nous émouvoir autant en restant immobilisé les deux tiers du film.
Il n’en fait pas de trop, juste ce qu’il faut pour être assez gauche et pathétique pour qu’on s’attache à lui, et qu’on comprenne son besoin de reconnaissance, quitte à vendre sa dignité à tous ces rapaces…

Salma Hayek est éblouissante, après avoir fait ses classes dans des films d’auteur, tout en ayant conservé ses fans dus à ses rôles dans des blockbusters fantastiques, elle n’a plus rien à prouver, mais se fait plaisir en jouant un vrai rôle de femme forte, que le cinoche américain aurait du mal à fournir à une actrice qu’il réduit à son tour de poitrine.
On trouve aussi beaucoup de seconds rôles savoureux évidemment, et des habitués du cinéaste (Santiago Segura bien sûr, mais aussi Carolina Bang, Javier Botet, Guillermo Toledo, Fernando Tejero, Javier Gutiérrez, ou José Manuel Cervino, qui ont tous déjà joué dans un de ses films, ou dans ceux de Segura) qui font de ce métrage une réussite, un film d’acteurs bien mené.

Dommage, on ne retrouve pas le compositeur attitré du réal, Roque Banos, puisque c’est Joan Valent qui en a écrit la musique, mais si elle a certes la puissance mélodique souhaitée pour les scènes où il faut déployer les violons, elle ne nous offre pas un air à retenir, comme Banos le faisait sur chaque film d’Alex de la Iglesia pour lequel il a travaillé…
Espérons que cette infidélité ne soit que passagère !
En conclusion, « La chispa de la vida » est un film excellent, quoique sans grande surprise finalement, mais qui dit des choses si vraies, et toujours pas assez dîtes (ou comprises), qu’il mérite d’être vu et apprécié par le plus grand nombre…