DON QUIXOTE 3D (MOXIACHUAN ZHI TANGJIKEDE)

 

Director: Ah Gan
Genre: Fantasy, Film Monstre
Section: Première Européenne, Sélection Officielle
Countries: Chine, Hong Kong
Actor: Guo Tao, Wang Gang, Karena Lam, Liu Hua
Producer: Ah Gan, Dominic Yip
Length: 110 min.

L’AVIS DU BIFFF

Pour citer la clairvoyance de Joseph Ratzinger (alors qu’il n’avait pas encore passé son permis pour la papamobile) : "Don Quichotte commence comme une bouffonnerie, une dérision (…)". Voyez ce pauvre hobereau en quête d’orientation professionnelle pendant la dynastie Tang. Candide et légèrement dégrafé du bulbe, il rêve sa vie chevaleresque au lieu d’aller au turbin jusqu’au jour fatidique où le pauvre hère devient complètement irrécupérable : il se prend dès lors pour le grand chevalier Don Quichotte, noble pourfendeur de l’injustice et ceinture noire en gloubi-boulga martial. Sa route croisera alors celle de Sancho Banzaï, moulin à paroles opportuniste, qui l’aidera à affronter d’autres moulins - ancêtres des ventilos en taille maousse. La légende naissante de Don Quichotte (à ne pas confondre avec Podolski, l’Homme de la Mannschaft) va alors se frotter aux seigneurs de guerre contre lesquels il déploiera ses talents de close-combat, proche d’une grenouille dans un mixer…
Premier film chinois entièrement tourné en 3D, Don Quixoteest - vous l’aurez deviné - l’adaptation de la brique picaresque de Cervantès, transposée dans la Chine du Xe siècle. Troisième plus gros succès du box-office chinois, le film d’Ah Gan est à 60% une turbine à effets spéciaux, le reste étant dévolu aux vivats cabotins de Paul Chun (Fist of Legend, Full Throttle) et Li Feng (The Painted Veil).

 

MON HUMBLE AVIS

Terry Gilliam a échoué, Agan peut il réussir ?
Certainement moins profond que le projet malchanceux de l’ancien Monthy Python, ce film chinois cherche juste à nous divertir, mais la morale de Cervantes s’adapte à tous les contextes.
L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche (en espagnol El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha) est un roman écrit par Miguel de Cervantes et publié à Madrid en deux parties, en 1605 et 1615.
À la fois un roman médiéval, un roman de chevalerie, et un roman de l'époque moderne alors naissante, le livre est une parodie des mœurs médiévales et de l'idéal chevaleresque et une critique des structures sociales d'une société espagnole rigide et vécue comme absurde.
Don Quichotte est un jalon important de l'histoire littéraire, et les interprétations qu'on en donne sont multiples, pur comique, satire sociale, analyse politique.
Il est considéré comme un des romans les plus importants de la littérature espagnole et mondiale.

Le personnage est à l'origine de l'archétype du Don Quichotte, rêveur idéaliste et irraisonné, justicier autoproclamé.
Il existe déjà au moins une vingtaine d’adaptations cinématographiques de Don Quichotte, depuis 1903 jusqu’à nos jours…
La réalisation de ce film n’apporte cependant rien de bien novateur dans le style, mais les intentions d’Agan ont au moins le mérite de tenter le mélange des genres, ce qui mérite déjà le respect.
Les cadrages sont variés mais classiques, les plans larges utilisent la synthèse 3D, désormais inhérente au genre Wuxiapian.
Les combats sont plutôt en plans séquences, qu’en montage ultra-découpés.
La photographie nous offre des camaïeux de bruns, avec quelques touches de couleurs chaudes, mais pastels, pour relever, sans dénaturer, les compositions.
On trouve donc des lumières douces, des brumes automnales, bref une ambiance onirique et nostalgique, impeccable pour le thème.
Le montage est tranquille, selon les rythmes comique ou romantique.
Seuls quelques moments d’action sont plus trépidants.

Les décors nous donnent à voir de véritables plongées dans des estampes chinoises, donnant vie aux images des légendes (les pics noyés dans la brume, un désert plein de mirages furieux, une ville fortifiée où s’entrecroisent des ponts suspendus reliant les sommets des montagnes)…
Rien d’extraordinaire par contre n’est à trouver sur le plan des costumes, ils sont sympa, mais habituels dans les productions médiévales chinoises.
Le look de Don Quichotte est suffisamment décalé (avec son casque ridicule) pour fonctionner.
Les SFX sont absolument impeccables, le niveau désormais atteint en terme de 3D numérique pour des matte painting, sur des plans en mouvement, est sidérant, rien à envier aux américains.
On trouve sinon des effets de câbles classiques dans les bastons.
Rappelons aussi que le film est projeté en 3D, efficace mais tape-à-l’œil et inutile (comme souvent).

La distribution est le point faible du film.
Les acteurs ne sont pas mauvais, mais il manque quelque chose d’indéfinissable.
L’acteur principal en fait des tonnes, autant dans le ridicule, que pour tenter de nous émouvoir, mais n’est pas Stephen Chow qui veut, et la mayonnaise a du mal à prendre, sans qu’on puisse dire pourquoi.

La musique fait dans le grandiloquent symphonique à la chinoise, avec des instruments traditionnels mêlés à un orchestre classique.
Il y a quelques moments où on entend des airs hispanisants, notamment la danse de la geisha se transformant en une vraie Carmen, car elles ont au moins l’éventail en commun dans leurs deux cultures !
Malgré une interprétation un peu faible, pour en faire un chef d’œuvre, le pari osé de la transposition est bien tenu, et l’histoire universelle tient encore bien la route, aussi la comédie fonctionne, et atteint son but.