FAUST

 

 

 

Réalisateur : F. W. Murnau
Titre Original: Faust, Eine deutsche Volkssage
Avec: Gosta Ekman, Emil Jannings, Camilla Horn, Wilhelm Dieterie.
Pays : République de Weimar
Année : 1926
Durée : 1h46

L’avis du FEFFS :

Faust, une légende allemande
Dans une ouverture majestueuse, toute de flammes et de lumière vaporeuse, Méphisto et l’Archange se disputent la propriété de la terre. Pour prouver sa supériorité, Méphisto fait le pari qu’il peut détourner Faust de Dieu. Il accorde alors à Faust la faculté de guérir la peste et rend à ce vieil homme voûté sa silhouette et sa beauté juvénile perdue. Enivré par tant de pouvoirs, Faust livre son âme au diable. Murnau s’est inspiré de plusieurs sources pour réaliser ce chef-d’œuvre visuel stupéfiant, qui relève à la fois du cinéma muet et du cinéma satanique, notamment des contes populaires anciens et de la tragédie de Goethe.
Accompagnement musical par la pianiste-compositrice Eunice Martins
Accompagnement sonore par la bruiteuse-compositrice Abril Padilla – composition originale

Mon Humble Avis :

Qelques années après « Nosferatu » (1922), ce « Faust, une légende allemande » (1926) est le second film fantastique marquant de Murnau.
Georges Méliès l'avait déjà adapté 3 fois : dans un film de 1898 : « La Damnation de Faust », en 1903 : « Faust aux enfers », et enfin en 1904 : « Damnation du docteur Faust ».
Par la suite Faust a connu d’autres adaptations (René Clair en 1950 avec son film « La Beauté du diable » avec Michel Simon et Gérard Philipe et en 2011, Alexandre Sokourov avec sa propre version de « Faust »), mais, comme souvent, aucune ne fut aussi parfaite que l’originale.

Le message du film traite de la tentation du mal, à cause de l’avidité… époque oblige, cette corruption peut être sauvé par l’amour, et la foi en dieu.

La réalisation est inspirée et lyrique, bien que théâtrale, sa puissance est indéniable.

Il y a une bonne variation de valeur de plan, et certains cadres en mouvement sophistiqué, comme ce zoom avec le point qui se fait à la fin sur le détail clef.
Le plan le plus impressionnant est celui où le diable géant ouvre ses ailes noires, qui finissent par recouvrir tout le paysage.

La photographie expressionniste est vraiment sublime, avec parfois des avant-plans en ombres chinoises, se découpant dans de la fumée blanche.
Les ombres sont profondes, les clairs/obscurs bien tranchés.
Murnau place le plus souvent possible des fumées dans les éclairages, le résultat se situe entre surréalisme et onirisme.
Bien sûr, il faut aujourd’hui rajouter les sautes, les lignes de rayures, et les tâches dues à l’âge de la copie.

Le montage est lent, utilisant des plans longs, le rythme se fait par la gestuelle des acteurs, qui mettent tant d’énergie dans leurs gestes.

Les décors peuvent être peints, ou parfois juste des ombres noires avec des éléments minimalistes de premier plan.
De toute façon, tout est tourné en plateau, même les « extérieurs ».

Les costumes sont variés et baroques, les plus impressionnants sont ceux des anges, et des démons, ou même des saltimbanques.
Les deux acteurs principaux, interprétant Faust et Méphisto, sont d’abord vieillis par un bon maquillage (et une barbe postiche pour Faust), avant de rajeunir dans le récit.
Tous ces costumes tiennent plus de l’opéra que du cinéma, comme par exemple le chapeau doté d’une plume immense du diable.

Les effets spéciaux rudimentaires usent de surimpressions, de maquettes et de peintures sur verre.
Par exemple, durant l’orage, les éclairs sont juste dessinés.
Il y a quand même un effet gore, lorsque Faust doit signer de son sang, il se plante une plume dans les veines.
Le vieillissement initial des deux acteurs principaux est un effet spécial de maquillage que le noir et blanc permet de fonctionner.
Deux éléphants sont carrément réalisés en marionnettes, il fallait l’oser.
Par son ingéniosité permanente, Murnau prouve qu’il est vraiment le « Mario Bava du muet » !

Le casting a forcément le surjeu et la gestuelle du cinéma muet, celui qui joue Méphisto a de plus une tronche pas possible, qu’il exagère par des grimaces extraordinaires.
Il y a aussi une figuration importante lorsque c’est nécessaire.

La musique, que nous avons eue lors de cette projection au FEFFS 2014, a été créée entièrement pour ce ciné-concert en live.
Eunice Martins (spécialiste de la musique des films muets) accompagnait le film au piano, durant deux heures sans interruption (belle performance).
Abril Padilla rajoutait des bruitages et des effets sonores, sur l’ensemble du métrage, avec ses instruments insolites, tirés d’objets du quotidien détournés de leur fonctions premières pour leur qualité sonores.
J’en profite pour préciser que depuis le ciné-concert d’Aelita, en 2012, Abril est devenue ma collaboratrice sur différents projets, on pourra bientôt écouter son accompagnement sonore sur la bande-démo de mes 20 ans de vidéaste…
Merci au FEFFS pour cette rencontre artistique précieuse.
Pendant Aelita, j’étais fasciné par l’art hors du commun d’Abril, au point d’avoir été un peu sévère avec Eunice dans mon article de l’époque.
Cette année, pour Faust, un pilier me cachait Abril durant tout le spectacle, j’ai donc pu me concentrer davantage sur la performance de la pianiste : je dois reconnaître (malgré mon aversion pour cet instrument) que son importance est indéniable dans le concert, cela amène du rythme, quand l’action manque à l’écran, ou elle ajoute du mystère et de la poésie.

En conclusion, si vous ne l’avez jamais vu, il ne faut pas passer à côté de ce classique, nécessitant évidemment, malgré tout, une certaine ouverture d’esprit, pour être vu, et surtout apprécié, de nos jours.