AELITA


REALISATEUR(S) : Jacob Protozanov
MUSIQUE : Eunice Martins, Abril Padilla
URSS • 1924 • science fiction muet

SYNOPSIS

Aelita est un des premiers films traitant du voyage dans l’espace.
Adaptation d’un roman de science fiction d’Alexis Tolstoï, le film raconte l’histoire d’un ingénieur et d’un soldat de l’Armée Rouge qui décollent pour Mars afin de fonder une république soviétique.
Ce qu’ils ne savent pas, c’est que la planète Mars est habitée par des êtres étranges, plus avancés scientifiquement qu’eux, mais dans une société qui exploite ses travailleurs.
La reine de Mars, Aelita, a utilisé secrètement un télescope avancé pour observer les terriens, et est tombée amoureuse de Los, l’ingénieur, avant son arrivée.
Quand elle découvre qu’il va venir sur Mars dans une fusée soviétique, elle fait de somptueux préparatifs pour l’accueillir.
Los et le soldat, avec l’aide de la reine Aelita, mènent une révolte populaire contre les Anciens au pouvoir, afin de libérer les travailleurs.

L’AVIS DU FEFFS

En 1924, ce film de science fiction soviétique muet fut réalisé par Jacob Protozanov.
Aujourd’hui, la musique et l’accompagnement sonore de la pianiste/compositrice Eunice Martins ainsi que de la bruiteuse-compositrice Abril Padilla sera jouée en live, ce dimanche 16 septembre à 18h, dans la Grande Salle de l’Aubette, place Kleber (en partenariat avec la Librairie Kleber et les Bibliothèques Idéales).
Parallèlement à son scénario de SF, le film raconte aussi de manière réaliste une histoire d’amour et de jalousie sur la Terre, dans Moscou, avec des rebondissements amusants et des intrigues exerçant encore un pouvoir comique sur les spectateurs contemporains.
Aelita est un film très divertissant, particulièrement réputé pour ses costumes et ses décors constructivistes, réalisés par le peintre et designer avant-gardiste Aleksandra Ekster, qui a beaucoup influencé Fritz Lang pour « Metropolis » et « Les femmes sur la lune » ainsi que les serials de « Flash Gordon ».

MON HUMBLE AVIS

L’idée du film-concert est excellente.
Un film muet est diffusé, tandis qu’une pianiste l’accompagne en direct, et qu’une bruiteuse rajoute des sons (diégétiques ou d’ambiance), elle aussi en live.
Aelita, le film russe choisi, n’est finalement pas un vrai film de SF, car le passage « space opéra » n’y est qu’un rêve (de plus regretté par le héros).
Le propos du film est davantage la propagande communiste (puisque la révolution de 1917 s’étend jusqu’aux populations de Mars), et une vision, par contre, réactionnaire du mariage, où il faut abandonner ses rêves, pour vivre heureux en couple.

La réalisation de 1924 est forcément datée, mais elle a son charme rétro : les scènes de foule, les grands décors en studios, le jeu outrancier du muet, l’éclairage expressionniste, etc…
Tout cela ajouté au charme des circonstances de projection, et l’expérience était sensationnelle.
Les cadrages alternent des gros plans pour les expressions théâtrales surjouées, et des plans larges dans des décors gigantesques, mais souvent dépouillés et stylisés, avec finalement peu de détails.
La photographie est en noir et blanc donc, avec de forts contrastes, et des lumières savantes, surtout pour le détourage des personnages des fonds, adoucir les traits des héros (ou surligner leurs émotions).

Le montage est lent (sans compter les cartons de textes, qui n’arrangent rien), avec des ellipses bizarres, et des changements de tons tout aussi étranges (mais bien russes finalement, CF. les « Nightwatch » récents)…
Les décors nous offrent à voir le Moscou des années 20, avec de belles vues dans les rues (ou depuis un pont), alors que les intérieurs sont faits en studio.
La fusée (très « Steampunk » avant l’heure), et la planète Mars, fournissent évidemment les choses les plus amusantes sur ce plan, avec leurs designs futuristes épurés, à partir de formes géométriques.

Chez les russes, les costumes d’époque sont réalistes, typés pour insister sur les personnalités, et la chose la plus marrante en est l’héroïne, portant des escarpins à talons hauts, dans ses bottes fourrées !
Sur Mars, tout est conçu avec des formes géométriques, en plastiques, avec des pièces mécaniques pour rehausser la mode locale (comme le harnais entourant les jambes de la servante par exemple), ou même des barbes en Plexiglas (comme celle de l’astronome).
C’est un style qui sera copié par les serials américains (« Flash Gordon », « Buck Rodgers », etc…), dans les années 30.

Peu de SFX à proprement parler, évidemment, fumées, superpositions, et fondus, sont les seuls artifices de l’époque.
Les acteurs surjouent avec théâtralité, et une gestuelle pleine de pauses dramatiques, pour remplacer les dialogues.
Leur talent est difficile à évaluer aujourd’hui, en toute objectivité, tant la norme a évolué…

Il n’y avait donc pas de musique dans le film original, puisqu’il était sans aucune bande son, mais parlons du concert de cette projection du FEFFS 2012 : le piano seul ça me barbe au bout d’une demi-heure, c’est trop répétitif, malgré le talent indéniable d’Eunice Martins.

Par contre, les sons incroyables, produits par Abril Padilla, faisaient tout le show, car on pouvait la voir faire, tout en suivant le film.
Quelle imagination dans les outils usités : bassine d’eau, archet sur roue de vélo, soufflet en bouteille, et autres objets détournés, pour obtenir des bruits étranges et variés, impeccables pour l’ambiance onirique, ou futuriste.
Chapeau !
En conclusion, si le film seul est difficile à conseiller, du moins pour le public d’aujourd’hui, le concert en valait vraiment la peine !