NEON FLESH

 

Director: Paco Cabezas
Genre: Thriller
Section: Compétition Thriller, Première Internationale, Sélection Officielle
Competition: Compétition Thriller 2011
Countries: Espagne
Year: 2010

L'AVIS DU BIFFF

Enfant de la balle, Ricky n’est pas du genre à vouloir marquer une pute par sa gaule. Les frottis tarifés, ça le blase et pour cause : sa mère a vingt ans de métier entre les jambes. Seul hic, môman est en cabane et Ricky a dû apprendre à survivre seul dans les rues malfamées de Barcelone, à un âge où l’on va normalement mouiller le maillot à l’Amnesia d’Ibiza avec ses potes prépubères. Mais il a des projets, Ricky : ouvrir, avec l’aide d’Angelito et El Niňo – ses deux copains de galère –, la crème du caviar des bordels dans le but de faire une surprise à madré quand elle sortira de prison. En bon spéculateur de la fesse, il investit dans une marchandise variée (filles de l’Est, clandestines café olé, junkies peu farouches) et trouve le nom idéal pour son nid de bombes : Hiroshima. Seulement voilà, on ne s’improvise pas maquereau sans faire de vagues. Chino, grossiste en chef des tapineuses du coin, voit d’un mauvais œil ce nouveau concurrent et va l’amener à comprendre qu’il a intérêt à raquer s’il ne veut pas terminer en tapas. Dire qu’il voulait juste faire plaisir à sa mère, qui ne jure plus que par un certain Aloïs Alzheimer.

Cinq ans après son court-métrage éponyme, Paco Cabezas se jette à l’eau et passe au long format. Le scénariste de Sexykiller (Miguel Marti – Prix du Public du Bifff en 2009) et son Snatch ibérique réunissent les poids lourds du métier : Juan Gordon, producteur de Cell 211, la sublime MacarenaSexykiller Gomez, l’infatigable Angela Molina ou encore Antonio de la Torre (Che, Volver), tous partants pour les pires coups bas !

MON HUMBLE AVIS

Paco Cabezas a un humour particulier… lui les crimes, le trash, le sexe, ça le fait marrer ! Par exemple, rien qu’en montant sur scène présenter le film, à la chanson réclamée par le public, il n’hésite pas à coucher par terre le présentateur pour le rouer de coups de pied en chantant « I’m singing in the rain » comme Malcolm McDowell dans « Orange Mécanique » ! Il y a qu’au BIFFF qu’on peut voir ça.
Paco revient donc, après « Sexy Killer », et encore sur un thème mélangeant scène gore et humour déplacé, celui de la prostitution.
Il dépeint ce milieu amoral avec réalisme, à tel point que malgré les quiproquos abracadabrantesques dans lesquels pataugent ses antihéros, il est difficile de rire de la détresse humaine qui nous est présentée (filles de l’est esclaves sexuels, immigrée africaine enceinte obligée à faire la pute, bébé vendu comme une marchandise, viol d’une ménagère BCBG sur le tournage d’un porno gonzo, ultraviolence entre malfrats, etc.…).
Malgré cette débauche extrême dans le malsain, on sent des volontés contradictoires chez le réalisateur : il veut faire de la pure provoque gratuite de façon immature, mais en même temps il voudrait parvenir à dénoncer, voir à nous émouvoir sur le destin de ses personnages (tout en se foutant de leur gueule, culotté ! )…
Ce grand écart dans les ruptures de ton n’est pas du tout réussi, alors hypocrisie ou manque d’expérience (ce n’est qu’un second film), difficile de trancher, mais le fait est là, le film ne fonctionne que par intermittence.
On rit du film et pas avec le film, on trouve les soi-disant moments d’émotion naïfs, voir incongrus, dans ce contexte, et il n’y a guère que les rares scènes d’action pour nous convaincre.

Si le fond est branquignole , la forme assure grave, car la réalisation est efficace et stylée.

Il y a beaucoup de cadres intéressants et variés, avec une belle photographie contrastée, magnifiant le côté crade des décors par des lumières flashy, ce qui correspond tout à fait à la vulgarité des propos.

Le montage est bien speed, alternant des séquences en parallèle sur les nombreux personnages, en dynamisant les joutes verbales « fleuries » de ces petites cailleras.

Les acteurs sont plutôt bons, mais souffrent sûrement d’une direction floue, car chacun à l’air de jouer sur un registre différent : le flic et le parrain sont d’un sérieux impérial, le héros croit nous attendrir comme dans une romance, tandis que le sidekick verse dans la franche parodie, livré à lui même dans un one-man-show pas drôle.

La rue, sale, sordide… un bordel cradingue avec une façade ornée d’un néon rose « Hiroshima », un hangar où le parrain se livre à la torture des flics et de ses rivaux, ou bien l’arrière-salle d’une épicerie vietnamienne où l’on tourne des gang bang en vidéo… tels sont les décors de ce film, où les costumes sont du même acabit, vulgaires et tristement réalistes (on est loin des pouffes super héroïques sapées comme au crazy horse de « Sucker Punch » !).

Les sfx se limitent à quelques plans sanglants, plus qu’on ne pourrait s’y attendre sur un tel sujet en fait, mais rien d’extraordinaire non plus. Le meilleur point serait une scène de mise à mort où le supplicié est poignardé à une table par les mains, tandis que son bourreau lui latte la gueule à coup de pieds jusqu’à lui en déchirer les mains en deux… bonne idée, mais dommage, c’est suggéré, sans réel plan de maquillage.

La musique plutôt rock est ordinaire, rien ne prend aux tripes.

En conclusion, malgré quelques dérapages grand guignol qui peuvent amuser les amateurs, je ne conseillerai pas ce film qui me paraît ne pas avoir bien cerné ses enjeux… à vous de voir. Il faut lui reconnaître une qualité essentielle, l’originalité, le film n’est pas prévisible du tout, beaucoup de surprises émaillent son déroulement et rien que pour ça, il vaut sûrement le coup d’œil.