DETECTIVE DEE AND THE MYSTERY OF THE PHANTOM FLAME

 

pays de production : Hong-Kong
année de production : 2010
genre : fantasy, action
réalisateur : Hark Tsui
scénario : Jialu Zhang
distribution : Andy Lau, Carina Lau, Bingbing Li

AVIS DU NIFFF

Adaptant à l’écran les aventures du célèbre Juge Ti, Tsui Hark se fait plaisir, aligne les idées de mise-en-scène et explose les frontières des genres : polar, action, politique, comédie, fantôme et arts martiaux se télescopent pour engendrer du très grand spectacle cinématographique.

 

MON HUMBLE AVIS

Avec ce film, Tsui Hark revient à ses premiers amours, l’adaptation des romans de chevalerie qui ont bercé son enfance : des récits trépidants, pleins de rebondissements, tenant autant d’Alexandre Dumas (pour l’aspect de « cape et d’épée ») que d’Agatha Christie (pour son côté enquête de détective). Comme dans son second film « The Butterfly Murders », on retrouve donc ce mélange d’ambiance improbable entre arts martiaux acrobatiques et études des scènes de crime comme dans « Les Experts ».

En 690, en Chine. Le couronnement de l’impératrice Wu Zetian doit bientôt avoir lieu. Mais la préparation de la cérémonie est émaillée d’incidents inquiétants. Pour résoudre cette affaire, la future impératrice est contrainte à faire appel au mystérieux détective Dee, qu’elle avait autrefois banni.

On peut remarquer ces dernières années une nouvelle inclinaison dans le cinéma de Tsui Hark, il essaie en effet de renouveler le rôle des femmes. Traditionnellement, dans le Wu Xia Pian de Hong Kong, la femme chinoise a un rôle bien stéréotypé, la servante dévouée, la prostituée au grand cœur ou au mieux, l’épéiste mystérieuse (souvent déguisée en homme). C’est dans ce dernier cas que les choses les plus originales ou novatrices ont pu être tentées, progressivement… Depuis le final de « Time and Tide », on sent chez Hark la volonté de les mettre en avant. Ainsi dans « Seven Swords » on trouve une héroïne, puis son film « All about Women » traite de la femme Hongkongaise, et ici on nous conte la montée sur le trône de la seule impératrice qu’a jamais connu la Chine. Même s’il y a toujours eu des rôles intéressants pour les actrices dans ses films, cette insistance sur leur fonction politique, active dans la société, est nouveau.

Contrairement à ce que nous a habitué le génial réalisateur, la mise en scène ne regorge pas d’innovations, de cadres insensés, ou de montages épileptiques. C’est plutôt avec classicisme élégant, que Tsui Hark dirige désormais, n’employant les effets de style que rarement, et juste pour souligner l’émotion (ils n’ont d’ailleurs jamais été gratuits avec lui, même lorsqu’il en faisait des tonnes !)

On a droit à beaucoup de variétés dans les valeurs de plan : des très larges panoramas (avec leurs extensions en image de synthèses) aux gros plans scrutant les visages d’un casting impeccable.

Bien évidemment, la photographie est magnifique, très lisible et lumineuse (même dans les scènes souterraines), avec une grande attention aux détails, jusque dans les arrière-plans les plus complexes.

Un montage savamment dosé, entre dialogues, introspection et action trépidante, permet de savourer toute la beauté des images, en suivant l’intrigue, sans perdre aucun détail des indices de l’enquête.

Le casting est impérial, Andy Lau en tête, beau gosse se refusant à vieillir, dont le jeu s’affine film après film, Carina Lau ensuite qui compose un personnage trouble et manipulateur avec une délectation communicative. Dans toute la galerie de personnages nécessaires à une intrigue aussi dense, on a le grand plaisir de retrouver les tronches pas possible de Richard Ng (« Five Lucky Stars ») et Teddy Robin Kwan (Le vieux maître dans « Gallants »).

 

Les décors du film sont fabuleux et très variés, utilisant toutes les techniques cinématographiques possibles : extérieurs naturels, ville reconstituées, extension en CGI, décors d’intérieurs en plateau, etc…. Le film s’ouvre déjà sur le décor « bigger than life » d’un bouddha géant, soutenu par un pilier creux monumental, où travaillent des dizaines d’ouvriers, suspendus sur des passerelles en osier. On voit ensuite le palais impérial dans toute sa splendeur, des prisons, un temple, une ville souterraine digne d’un film d’Héroic-fantasy, les combats s’évertuant à nous présenter (et à détruire) ces décors sous tous les angles.

Bien entendu les costumes sont à l’avenant. Somptuosité des parures chez les demoiselles de la cour, armures et armes ciselées avec art pour les guerriers, variété d’influences pour les scènes de figuration, nous rappelant que la Chine a toujours été un creuset culturel de rencontre (on croise dans les rues des romains, des hindous, des perses, etc…). Rien n’est laissé au hasard, chaque accessoire est travaillé avec soin.


Les effets spéciaux sont un des points essentiels du film. Depuis 1983 et son « Zu, les guerriers de la montagne magique », Tsui Hark n’a de cesse de repousser les limites de ce qu’il est possible de faire à Hong Kong. Ici encore, avec un budget important pour la Chine, mais dérisoire selon les standards holywoodiens, Hark réalise des prouesses. Ses animateurs (principalement coréens) réussissent à représenter un port remplis de galions, une statue géante s’écroulant sur la ville, des corps partir en « combustions spontanées », Andy Lau faisant du Kung-fu contre des cerfs, des visages se transmuter en d’autres visages, et des tas d’artifices habituels pour améliorer les combats câblés (ici chorégraphiés avec humour par l’immense Sammo Hung).

Musicalement, c’est aussi au dessus de ce qui se fait couramment à Hong Kong (ce n’est pas difficile !) avec une certaine emphase symphonique mêlée d’instrumentations traditionnelles. Rien de novateur donc, et un cruel manque de thème majeur.

En conclusion, je conseille vivement ce film à tous ceux qui comme moi pensent que Tsui Hark est LE génie ultime, à tous ceux qui apprécient le jeu intense d’Andy Lau, ainsi qu’à ceux qui aiment les reconstitutions historiques. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut voir un tel mélange de genre aussi réussi, pouvant plaire autant aux amateurs de Wu Xia Pian qu’aux fans de polars !