PATCH TOWN


Director: Craig Goodwill
Genre: Aventure, Comédie, Fantasy
Countries: Canada
Year: 2013
Writer: Craig Goodwill, Trevor Martin and Christopher Bond, Jessie Gabe (Story Editor)
Actor: Zoie Palmer, Julian Richings, Rob Ramsey, Suresh John, Stephanie Pitsiladis, Scott Thompson, Ken Hall
Producer: David Sparkes and Craig Goodwill
Distributor: Reel Suspects
Costums: Georgina Yarhi
Composer: Silvio Amato
Photo director: Guy Godfree
Art director: Matthew Middleton
Editor: Jeremy Lalonde

SYNOPSIS PAR LE BIFFF


Dans un monde parallèle qui allie la chaleur des goulags de l’ex-Union Soviétique et le crachin permanent de l’Angleterre, Jon est triste.
Bon, c’est vrai qu’à l’aune de cette description peu flatteuse, ça peut se comprendre.
Mais, voyez-vous, Jon est un jouet lâchement abandonné par sa propriétaire et, depuis lors, il se coltine les trois huit dans une usine à bébés.
Il passe son temps à les sortir des choux alors qu’il ne peut même pas rapporter un spécimen à la maison, surveillé par une gestapo du joujou qui a dévissé une poupée pour moins que ça…
Mais, un jour, c’est plus fort que lui : il embarque un moutard et taille la route avec sa femme vers des cieux plus cléments.
Merde à la fin !
Lui aussi a droit à son petit cocon familial, non ?
Le seul souci, c’est qu’il atterrit dans le monde de son ex-propriétaire et son obsession pour cette dernière passe mal quand on ressemble à une poupée de 100 kilos.
Pire encore, le fait de passer pour un obsédé qui se tire la nouille devant des femmes seules est un moindre mal, surtout quand les anciens tauliers de Jon débarquent à leur tour sur Terre…

L’AVIS DU BIFFF

Avec cette version longue de son court de 2011, Craig Goodwill rejoint, et on pèse nos mots, la cour de récré de Terry Gilliam et Jean-Pierre Jeunet.
De cette ancienne tradition russe, à l’histoire empruntée à Lyudmila Petrushevskaya, l’ancien assistant de prod’ de Good Will Hunting nous balance un uppercut poétique d’une inventivité et d’une créativité rares !
D’ailleurs, où est-ce que j’ai encore rangé mon GI Joe afin de m’excuser ?

L’Avis du NIFFF

Ouvrier à la chaîne dans une société dictatoriale, Jon décide de s’affranchir de ce sombre univers. Malgré lui débute alors une rocambolesque aventure à base de choux, de bébés et de kidnappeur d’enfants... Développant l’intrigue de son précédant court métrage, Craig Goodwill met en image le folklore russe et livre un conte de fée d’une extrême noirceur, porté par un sens de l’absurde rappelant Terry Gilliam. Et tout ça en chansons, s’il-vous plaît !

MON HUMBLE AVIS

Ce conte surréaliste est basé sur la légende des pays de l’est, selon laquelle les enfants naissent dans les choux.
Elle a été racontée au réalisateur par une costumière russe, alors qu’il s’ennuyait sur un tournage, comme assistant de production.
Dans ce film, depuis ce point de départ, ça devient finalement un bon délire, situé quelque part dans la quatrième dimension, entre Terry Gilliam, Jean Pierre Jeunet, et Tim Burton !
Le message du film est très positif, ça parle de l’amour donnant du sens à la vie, ce qui est quasiment naïf, et surtout inhabituel dans le cinoche fantastique, et du coup original.

Efficace, la réalisation tire parti de quelques décors, et surtout de son casting, montrant qu’avec peu de moyens financiers, on peut faire quelque chose de trépidant, où on a pas le temps de s’ennuyer (à condition de déjà soigner l’écriture du script).
Les cadrages ont une bonne variété de valeurs, mais privilégient les plans américains classiques, et les plans larges, quand les décors le permettent.
La photographie est très soignée, plaçant une atmosphère onirique, nocturne et grise dans les pays de l’est, plus lumineuse et colorée à l’ouest.
Le montage est rapide, mais basé avant tout sur le rythme des dialogues (comme pour une comédie).
Ça fonctionne très bien, il n’y a pas de temps mort, et on rigole beaucoup !

Les décors représentent une URSS fantasmée, on y voit une usine surréaliste, où les enfants naissent à la chaîne, dans les choux, et où des cigognes les livrent en occident !
Il y a aussi une belle machine qui fige les enfants, les transformant en poupées, un centre commercial où les faux père Noël et leurs elfes viennent pointer, un bar à striptease dirigé par un mafieux russe, un motel ricain miteux, et des caricatures d’intérieurs BCBG…
Les costumes sont eux aussi des caricatures stylisées : le héros est en bleu de travail, l’immigré hindou en elfe de Noël, le méchant digne d’un James Bond en costard rétro et borsalino, ses hommes de mains tout en noir, avec des nœuds papillons blancs, son second le nain sadique, mais ridicule, avec un chapeau melon…
Tout ça est designé avec beaucoup d’impact visuel.

Les SFX usent d’une synthèse approximative pour l’usine, et des maquillages traditionnels pour les bébés, c’est à peu près tout.
Les acteurs sont excellents, ce n’est pas facile de trouver le ton juste, entre comédie et émotion, pour y arriver, il faut beaucoup de charisme, afin qu’on s’attache aux personnages (et c’est le cas ici, on s’attache presque à tous, y compris aux vilains hilarants, seul le personnage de la mère est en dessous du niveau des autres).
Le gros naïf est attachant, l’hindou hilarant en acolyte caustique, le nain fendart en kidnappeur looser (son combat contre une gamine karatéka est à se pisser dessus !), et même le grand vilain tout maigre est finalement émouvant dans sa solitude…

La musique utilise trop de piano gnangnan par moment, mais le reste est du « Mickey-Moosing » qui réveille, rien de transcendant non plus.
Notons aussi des passages de pure comédie musicale (malheureusement trop rares), où les personnages se mettent à pousser la chansonnette, dans un style « Brodway » des plus classiques.
En conclusion, c’est un bon film, original, de par son histoire délirante, et de par son ton, jamais réaliste, demandant une suspension d’incrédulité complète, et pourtant parlant de choses tristes, et même sordides : l’exploitation des enfants par les grandes sociétés, absence de « sens de la vie » pour la classe moyenne salariée, les conditions de vie des immigrés à l’ouest pas meilleures que sous une dictature de l’est, la difficulté de la vie de couple, etc…
Mais, tout cela est fait sur un ton romantique, comme une douce rêverie acidulée !