CHIMERES


Pays de production : Switzerland
Année de production : 2013
Durée : 82
Genre : horror,drama
Réalisateur : Olivier Beguin
Scénario : Olivier Beguin, Colin Vettier
Cast : Jasna Kohoutova, Yannick Rosset, Catriona MacColl

L’avis du NIFFF

Le film :
Livia et Alexandre s'offrent un séjour romantique en Roumanie, qu'un accident va brusquement écourter. Renversé par une voiture, Alexandre se fait hospitaliser et subit une transfusion sanguine. A son retour chez lui, il ne se sent pas très bien et commence à souffrir d'hallucinations. Mais est-il seulement en train de rêver ? Livia tente de sauver leur couple en essayant de rassurer Alexandre. A mesure que son comportement dégénère, la situation devient incontrôlable et l'irréparable se produit...

Quittant le médium du court pour le long métrage, le Neuchâtelois Olivier Beguin passe brillamment à l'étape supérieure. Avec Chimères, il réalise un drame horrifique poignant, dans lequel il revisite les codes tout en démontrant une sincérité et un amour pour le genre. Non loin d'un David Cronenberg, il livre une métaphore imagée et monstrueuse des relations de couple et de leur mutation. Fort de son excellente mise en scène et de ses effets déployés, Chimères rappelle le fort potentiel de la production cinématographique locale !

Le réalisateur :
Si Chimères est le premier long métrage d'Olivier Beguin, ce dernier n'est pas inconnu des spectateurs du NIFFF. Né en 1975, le cinéaste neuchâtelois réalise Time With Nyenne en 2000, son travail de diplôme pour la prestigieuse London Film School. Sélectionné au Pardi de Domani du festival de Locarno, le film remporte le Narcisse du meilleur court métrage suisse lors de la première édition du NIFFF. Beguin a également réalisé Naufrage (2006), Dead Bones (2008) et Employé du mois (2010).

L’AVIS DU BIFFF

Remarqué en 2012 avec son court-métrage : L’Employé du Mois, Olivier Beguin passe au long avec Chimères !
Variation helvétique sur le thème mythique du vampire, ce bébé cinématographique né d’un crowdfunding a, de toute évidence, une parenté avec Midnight Son (Corbeau d’Argent au BIFFF 2011) dans le traitement désacralisé du mythe.
Résultat ? Une œuvre crépusculaire, envoûtante et aussi sanguinaire que poétique.
En plus, avec des plans du canal de Bruxelles, face à Tour & Taxis, le BIFFF craque !

Mon humble avis

Après ses cours métrages « Naufrage », « Dead bones », ou « Employé du mois », tous passés au festival de Neuchâtel, Olivier Beguin, le réalisateur local, passe à l’étape supérieure, et participe directement à la compétition internationale du NIFFF, avec son premier long métrage, face par exemple au dernier film de Renny Harlin (qui a déjà 27 blockbusters hollywoodiens à son actif) !
Olivier est un garçon très sympathique, donc souhaitons lui bonne chance, mais notre devoir (parfois ingrat) est d’analyser le film…
Il n’y a pas vraiment de message dans ce film, qui présente surtout une belle histoire d’amour, semblant avoir focalisé l’attention du jeune réalisateur.

L’idée de la vampirisation par transfusion sanguine n’est pas très originale (même avec le mauvais goût de la mêler à des affaires de sang contaminé), on pense par exemple à « Vampire’s kiss » avec Nicolas Cage, des tas de films ayant déjà montré cette vision pathétique du mythe vampirique (en mieux), alors on attend longtemps l’idée ou le twist qui a motivé tout cela, pour finalement se rendre à l’évidence : il n’y en a pas.
La réalisation est très correcte pour un premier long métrage.
Olivier Beguin aime le genre, ça se voit, mais pourquoi ne pas y contribuer en apportant sa touche, plutôt que de refaire (pour les nouvelles générations ?) les films qu’il a aimé ?
Les cadrages utilisent des gros plans sur les visages, et il y a parfois (trop rarement) de belles compositions (les face à face avec le miroir, la scène de sexe,…), mais sinon il reste trop de plans filmés à l’épaule, toujours dans l’idée de transmettre une urgence, un stress, mais ennuyeux car se retrouvant dans trop de métrages désormais.

La photographie n’est pas assez travaillée, elle fait naturaliste, il y a quand même des tons bruns pâles, et un fort contraste avec le sang bien rouge.
On sent de plus un gros « tripatouillage », du genre « on fait le film au montage », avec des flashbacks, des flashforwards, d’un seul plan parfois, donc usant d’inserts trop courts (style image subliminale).
Le but est de mélanger l’ordre narratif (à la Tarantino ?) pour brouiller les pistes, et représenter la confusion mentale du héros, mais ça fait surtout « arty-snob », ce qui est prétentieux au vu du scénario, finalement prétexte à des bastons digne d'une série Z, sur la fin.

Les décors en Roumanie sont intéressants au début, après on a plus droit qu’à l’appartement du couple de héros, le club de boxe de l’héroïne, et des entrepôts abandonnés (bruxellois et non de Neuchâtel, comme tout habitué du BIFFF saura les reconnaître) pour représenter le « quartier qui craint »…
C’est du minimalisme sans grand intérêt en décoration intérieure.
Rien à signaler non plus question costumes, d’un réalisme banal…
Notons tout de même le côté ringard de ces soit-disant « caillera » : en fait des bobos mal rasés portant du sportswear tout neuf !
Arf arf… pour moi qui ait vécu en banlieue parisienne, ça ne le fait pas du tout ! ! !

Les effets spéciaux à l’ancienne de David Scherer, le talentueux spécialiste alsacien, sont un point positif du métrage.
Il s’agit de maquillages bien gore d’arrachages de gorges, et autres succions vampiriques (sans compter les arrosages d’hémoglobine sur les murs), de corps oniriques recouverts de sang, des pieds à la tête (par deux fois, l’homme du miroir, puis la femme sous la douche).
Tout ça est malheureusement très classique, mais si c’est parfaitement réalisé, il n’y a pas d’invention, sauf peut être pour l’arrachage de colonne vertébrale, assez rare dans ce contexte du film de vampire.

Les acteurs sont assez bons, d’ailleurs elle (Jasna Kohoutova) plus que lui (Yannick Rosset), car leurs personnages sont bien développés (il n’y a pas grand chose d’autre, alors heureusement qu’il y a au moins un bon casting, bien dirigé).
Le caméo de Ruggero Deodato (réalisateur italien, spécialiste du cinéma d'horreur avec notamment le film culte « Cannibal Holocaust ») est bien rigolo (c’est le boucher du quartier !), mais celui de Catriona MacColl (dont les plus grands succès sont dans les films d'horreur de l'italien Lucio Fulci) paraît complètement inutile (pourquoi caster une telle « scream queen » de la grande époque pour un rôle quelconque ? ? ?).

La musique n’est pas mal du tout, c’est une sorte d’électro-rock, avec des atmosphères pesantes (style respiration lourde, ou battement cardiaque, mais avec des sons électroniques), et elle offre de plus un générique final qui fait très Goblin de la grande époque.
En conclusion, Olivier Beguin cherche une voie personnelle dans la forme de son film, mais pas dans le fond qui devrait pourtant motiver tout son travail.
Encore une fois, ce n’est que mon humble avis, la perception d’un film c’est très subjectif, et celui-ci peut très bien plaire à de très nombreux amateurs du genre, ne serait ce que par son honnêteté…