Restore Point

 

République Tchèque, Slovaquie, Pologne, Serbie — 2023 — 1h51

Réalisation : Robert Hloz
Acteurs : Andrea Mohylova, Matej Hadek, Vaclav Neuzil

 

2041.

Chaque citoyen a le droit constitutionnel de vivre une vie entière.

En cas de mort non naturelle, la personne est ramenée à la vie grâce à la technologie innovante « Restore Point », qui fonctionne grâce à des sauvegardes régulières du contenu du cerveau.

Dans ce contexte, la jeune détective Emma se voit confier l’affaire d’un couple assassiné dont l’un des deux n’a pas pu être sauvé par l’équipe de restauration.

Premier long métrage de science fiction tchèque en 40 ans, Restore point est le digne héritier de Blade runner (1982) et de Minority report (2002) avec une surprenante intrigue située dans de magnifiques paysages métropolitains éclairés aux néons.

 

Mon Humble Avis :

 

Ce micro-budget dispose de mille fois moins que Villeneuve pour Blade runner 2049, mais contient mille fois plus d’idées.

Il y a déjà plein d’hommages à la SF tchèque qui a une longue histoire : c’est au théâtre tchèque que fut inventé le terme « robot », et des centaines de films furent réalisés dans les années 50 et 60.

D’ailleurs Roger Corman a énormément pillé ce cinéma, y récupérant les plans de SFX en maquettes, et retournant en anglais les scènes avec des acteurs américains, pour en faire d’autres films, dans les années 70.

Restore Point est donc une fierté nationale, le retour en salles de la SF tchèque, disparue à l’écroulement de l’ex-URSS, avec l’arrivée des films occidentaux.

 

Le message de ce film d’anticipation concerne les craintes vis-à-vis des progrès de la science, un sujet classique en SF.

L’éternelle question éthique entre ce qui est naturel et contre-nature, attention l’homme ne doit pas se prendre pour dieu, et défier sa création…

Ici, rendre la mort obsolète est montré comme une potentielle dérive, que des profiteurs manipulent pour masquer leurs magouilles, en jouant avec la mémoire (en effet, la sauvegarde n’est pas constante, et donc une fois réanimé, il manque toujours les souvenirs entre sa mort et le dernier enregistrement).

 

La réalisation utilise les clichés du polar, avec quelques scènes d’action musclées, la SF servant surtout à tisser les noeuds de l’intrigue.

L’idée d’informations sur des meurtres à retrouver dans des enregistrements mémoriels nous évoque aussi « Strange days » de Bigelow, ainsi que les romans de la saga Majipoor de Silverberg où une telle technologie est devenue commune.

  

Les cadrages usent d’une bonne variation de valeur de cadre, en mouvement quand il y a de l’action, mais le plus souvent fixes.

 

La photographie est dans les tons bleus, avec des touches orangées, la lumière est bien contrastée, les ombres bien noires.

A la campagne, la photo devient plus naturaliste qu’en ville, où elle est plus sophistiquée.

 

Le montage est tranquille, on suit le rythme de l’enquête avant tout, ce qui implique de nombreux dialogues.

Il y a une légère accélération lors des quelques scènes d’action, où c’est plus dynamique, mais l’ensemble du film est plutôt calme.

 

Les décors montrent des immeubles high-tech gigantesques, des installations scientifiques médicales, un bar underground, et des appartements modernes tout automatisés.

A la campagne, on voit une forêt emplie d’épaves d’appareils d’électroménager, des champs de panneaux solaires, et plusieurs lieux avec des signes religieux.

D’ailleurs en ville aussi, les bureaux sont décorés avec des tableaux religieux…

Il y a aussi ce décor étrange d’une église où sont stockées toutes sortes de croix et de statues chrétiennes, sans doute à cause des interdits de l’ex-URSS, ce qui ressemble au final à une sorte d’antiquaire orthodoxe !

Ce lieu servant de refuge aux terroristes anti-restore point, cela renforce le message opposant progrès et acceptation de la nature (création divine).

  

Les costumes modernes ont un léger apport high-tech pour faire plus SF, comme les logos phosphorescents des uniformes de police par exemple.

 

Les SFX consistent surtout en extensions numériques de décors, pour créer des bâtiments aux architectures monumentales.

Les hologrammes sont très nombreux dans cet environnement futuriste, tous les équipements quotidiens en sont pourvus, du dentier jusqu’à la tombe !

 

Le casting nous propose une belle blonde dure à cuire avec une intensité certaine, et des seconds rôles au sérieux imperturbable.

La femme flic est forte, et les hommes qui l’entourent sont tous plutôt faibles.

 

La musique fait dans le symphonique grave avec des percussions électroniques.

« Clair de lune » issu de la suite Bergamasque de Claude Debussy est un thème majeur de la bande originale, l’héroïne cherche à la jouer au piano, en souvenir de son mari disparu qui était un pianiste de renom, et la mélodie est déclinée dans les thèmes de la BO, réorchestrée différemment.

Le compositeur met en avant les violons, avec des chœurs, dans un pur style slave.

 

En conclusion, le twist bienvenu de cette enquête tortueuse renforce encore l’intérêt du métrage.

Il manque certes un peu de second degré pour détendre son atmosphère grave et dramatique, mais il pose des questions légitimes, avec une telle technologie notre vie ne devient-elle pas un simple jeu vidéo ?

Retenons cette réplique du film :

En perdre quelques-uns pour en sauver beaucoup, « c’est la vie ! » (en français dans le texte)…