Concrete Utopia

 

Corée du sud — 2023 — 2h10

Réalisation : Um Tae-Hwa
Acteurs : Lee Byung-Hun, Park Seo-Joon, Park Bo-Young

 

La Terre est frappée par une série de séismes qui provoquent une brusque chute des températures.

A Séoul, les habitants du seul immeuble encore debout tentent de s’organiser et de se protéger contre les attaques des survivants sans abri.

Concrete Utopia est l’adaptation d’un web-toon (bande dessinée numérique coréenne) de Kim Soong-Nyoong, qui décrit différents épisodes de survie dans un monde post-apocalyptique dévasté.

Le film se distingue par ses impressionnantes scènes de destruction massive, mais surtout par l’intelligence de son récit qui démontre, une fois de plus, que l’homme est finalement le pire ennemi de l’homme, et le plus grand danger pour lui-même.

 

Mon Humble Avis :

 

Le générique de début raconte, par l’emploi d’images d’archives, l’accès à la propriété des classes moyennes en Corée du sud, dans des HLM modernes, des années 70 à nos jours.

 

Le message décrit les réactions des gens face à une catastrophe, et la noirceur de la nature humaine.

Il oppose les notions de propriété et de partage.

C’est d’ailleurs étonnant de voir la Corée du sud défendre des valeurs communistes par rapport à l’individualisme développé par le capitalisme !

Le film questionne les limites qu’il faut avoir pour défendre sa communauté, au risque de perdre son humanité…

 

La réalisation propose un mélange bien dosé entre drame, touches d’humour, corde sensible, et portée politique, tout en restant divertissant.

 

Les cadrages usent de beaucoup de plans larges pour écraser les personnages dans des ruines jusqu’à l’horizon.

Il y a aussi de nombreux gros plans sur leurs émotions.

 

La photographie dispose d’une lumière douce non agressive, avec des couleurs de béton, gris-bleu.

Il y a souvent une belle profondeur de champ.

Les scènes diurnes sont plus nombreuses que les nocturnes, qui restent bien éclairées.

Il y a plusieurs flasbacks qui ne sont pas traités différemment en photo du reste du métrage.

 

Le montage est dynamique, sans temps morts.

Il y a quelques ellipses en fondus enchaînés (procédé qui tend à disparaître du style actuel).

Certaines séquences sont en montage alterné avec des mises en parallèles choquantes.

Le montage parvient à accorder autant d’importance et de temps de présence à de nombreux personnages.

 

Les décors sont le gros point fort du film.

La ville en ruines est très impressionnante, ça fait vrai et froid dans le dos.

Un seul immeuble est debout, le reste est une bouillie d’acier et de béton.

Cela permet des scènes de spéléologie dans des galeries effondrées, ou une embuscade violente dans un canyon constitué d’un immeuble coupé en deux !

Notons le décor original de l’immeuble couché, réarrangé par des survivants pour y habiter malgré tout (le plafond et le sol devenant les murs, et vice versa).

 

Les costumes sont réalistes, hivernaux, et finissent en loques pour les « cafards » (les sans-abri).

Les habitants de l’immeuble, eux, cherchent à garder le même look qu’avant la catastrophe, ce qui renforce leur côté « autruche » se voilant la face.

 

Les SFX brillent par leurs fabuleuses extensions numériques des décors urbains en ruines.

Les scènes de destruction massive sont vraiment… massives !

Pour le coup, l’expression n’est pas usurpée.

Il y a aussi quelques explosions et incendies, les blessures réalistes des baston (rien de bien gore cependant), et un cadavre coincé dans un congélo.

 

Le casting dispose de trois acteurs principaux et de nombreux seconds rôles et figurants.

Le jeune marié se fait entraîner vers le fascisme, montrant ainsi que n’importe qui peut y sombrer pour protéger les siens, sa femme infirmière représente par contre un idéal pacifique et empathique, peut-être naïf dans ce contexte, et le leader violent devenant délégué des résidents est corrompu par son petit pouvoir, prêt à tout pour ne pas perdre ses privilèges.

Ses trois rôles représentent à eux seuls les trois versants possibles des réactions humaines en cas de crise, le loup, le mouton et le saint.

Ils posent au public la question suivante : et vous, comment réagiriez-vous ?

 

La musique symphonique est puissante, et privilégie le violoncelle comme souvent dans les BO coréenne.

 

En conclusion, les « gens ordinaires » ont des réactions imprévisibles à cause de la peur, qui peut les pousser à devenir des monstres.

Ce film choral passionnant va directement à l’essentiel, avec efficacité.

C’est un blockbuster intelligent, immanquable pour les amateurs.