THE BERLIN FILE


Pays de production : South Korea
Année de production : 2013
Durée : 120
Genre : thriller,action
Réalisateur : Seung-wan Ryoo
Scénario : Seung-wan Ryoo
Cast : Jung-woo Ha, Suk-kyu Han, Seung-beom Ryu

L’avis du NIFFF

Pyo est le meilleur agent secret nord-coréen. Infiltré à Berlin, il se fait repérer par les renseignements sud-coréens et le Mossad. Commence alors une impressionnante chasse à l’homme sur fond de conflit international. Polar haletant, jalonné de gunfights et de combats virtuoses, Berlin File confirme que les Coréens sont bien les maîtres du genre. Après City of Violence (NIFFF 2007) et The Unjust (NIFFF 2011) Ryoo Seung-wan confirme sa place dans la cour des grands.

Mon humble avis

Dans un James Bond, on va trouver exotique d’emmener l’action dans un pays asiatique, mais si le film d’espionnage est coréen, que va-t-on trouver comme destination exotique aux yeux du public local ?
… éh bien, Berlin !
C’est à la fois étonnant et culotté, de la part du réalisateur Ryu Seung-wan de choisir un héros de Corée du Nord, surtout dans le contexte actuel de tension internationale.
De plus, la conclusion laisse sous entendre qu’en Corée du Sud c’est pas si bien que ça, avec la corruption des dirigeants, et qu’en Corée du Nord ça ne serait pas si mal, sans quelques profiteurs avides de pouvoir.
Ainsi, c’est déconcertant mais la fin du film nous montre que le peuple coréen semble souhaiter toujours la réunification avec son frère du Nord, avant tout.
La vision des autres nations est plus caricaturale, voire raciste (arabes barbares, juifs traîtres, américains menteurs), mais on sent bien qu’au sujet des personnages coréens, il est impossible d’être aussi manichéen.

La réalisation du film est ambitieuse, aboutie, et impressionnante de bout en bout.
Les cadrages sont dynamiques, jouant des perspectives du décor urbain, sans jamais tomber dans la « shaky-cam », même dans l’action : c’est finalement comme un Jason Bourne qui serait bien filmé !
Il y a aussi pas mal de plans cadrés depuis des grues de construction, en plongée sur la ville, écrasant les personnages dans leurs destins tragiques.
La photographie use de couleurs désaturées, quasiment noir et blanc, mais en fait on trouve de légers tons gris-bleus pour les scènes montrant les forces de l’occident, et des tons bruns-terre chez les communistes.

La lumière est faussement naturaliste, mais en fait elle est très travaillée, et elle rend réaliste l’ambiance, mais avec une stylisation discrète (comme souvent dans le polar coréen).
La réunification finale des deux Corée, par l’alliance des deux héros, a lieu dans une ambiance dorée, due aux champs de blés à l’aube, annonciatrice d’espoir…
Le montage est très nerveux, il y a beaucoup d’action, de dialogues rapides, de personnages en colère, et tout ça fait du film un roller-coaster impeccable.
Pour décors, on a droit à Berlin vu des toits, des rues, des hôtels miteux…
L’espionnage vu du côté nord coréen n’a ni les moyens, ni la « classe », d’un James Bond, l’appartement pourri de l’espion le confirme dés le début, avec pour seul gadget son armoire cachant une pièce secrète.

Notons tout de même la scène de vertige, lorsque la femme du héros s’évade, avec la reconstitution du décor d’un toit, à moindre hauteur, c’est particulièrement crédible, et ça se termine en plus en chutes impressionnantes !
Rien à signaler par contre question costumes, ils sont juste réalistes et sobres.
Comme effets spéciaux, il y a de terribles fusillades, des destructions en règle de décorations intérieures, l’explosion numérique d’un camion citerne, des maquillages gores de coups et de gnons, et quelques impacts de balles…
Mais l’essentiel du spectaculaire est plutôt assuré par l’hallucinante chorégraphie de la violence, réaliste et imprévisible, que l’on doit à Jung Doo-hong (qui jouait le méchant dans « Arahan », et le héros dans « City of violence », du même réalisateur.

En effet, le casting est incroyable, car il y a une star nationale dans chaque rôle ou presque !
Ha Jung-woo, révélé par ses premiers rôles dans des films comme « The chaser » ou « The murderer » de Na Hong-jin, est ici impérial, sobre et émouvant à la fois, toujours époustouflant dans l’action, mais c’est un acteur totalement crédible en plus d’être un artiste martial plausible.
Jun Ji-hyun qui joue sa femme, fut l’héroïne de « My Sassy Girl » (le plus gros succès de tous les temps en Corée, pour une comédie romantique), elle apporte une touche bienvenue de romantisme tragique.

Ryu Seung-beom, le frère du réalisateur, qui jouait dans ses autres films, comme « Arahan », « Crying fist » ou « The unjust », est carrément effrayant en espion sadique, qui torture ses victimes de façon déshumanisée, comme si il faisait juste son boulot.
Seuls les occidentaux (le flics de Corée du Sud, et l’espion de la CIA) m’ont paru être interprétés par des acteurs qui en faisait un peu de trop…
La musique est une efficace composition moderne « à l’américaine », bourrée de percussions, et speed à souhait.
Heureusement, dans les moments de calme (romance ou drame), les compositeurs coréens ont plutôt recours aux cordes des violons, qu’aux sempiternels pianos sirupeux de leurs homologues de l’ouest !

Les films de Ryu Seung-wan rencontrant le succès, leurs budgets sont de plus en plus importants, on se demande ce qu’il va pouvoir nous proposer la prochaine fois…
En conclusion, ce film a donc de très nombreuses qualités, son scénario complexe, ses personnages fouillés (c’est en plus un film choral avec de nombreux personnages), son action trépidante, réaliste mais spectaculaire à la fois, et ses qualités purement cinématographiques indéniables… bref, que du bon !