MASTER CLASS JOE DANTE


Présentation par le FEFFS :

Après un coup de foudre à la découverte du Météore de la Nuit, Joe Dante passera une grande partie de son enfance dans les salles de cinéma. De ses débuts au sein de l’écurie Corman aux sommets d’Hollywood --- lorsque Steven Spielberg lui propose de réaliser Gremlins --- en passant par ses oeuvres pour la télévision, Joe Dante est un auteur dont chaque film porte la signature. À travers cette master class, Jean-Baptiste Thoret questionnera Joe Dante sur sa carrière, ses influences et ses relations avec les studios hollywoodiens. Une occasion unique d’entendre les anecdotes d’un véritable cinéphile réputé pour sa connaissance encyclopédique du cinéma. La master class sera suivie de la projection de Burying the Ex, le dernier film réalisé par Joe Dante.

Mon Compte-rendu :

Joe Dante est un réalisateur fascinant, parce qu’on peut se perdre dans ses films…
Il aime autant parler des films des autres que des siens, ce qui est rare chez un réalisateur.
Il rend en permanence des hommages à l’histoire du cinéma de genre, de peur qu’elle disparaisse dans l’oubli.
Son film préféré dans sa filmographie est le téléfilm politique et humoristique « Second civil war », qui anticipait en 1997 le problème très actuel des réfugiés.
On a l’impression qu’il a été fait hier !
Interrogé sur son statut aux USA, George Romero s’était décrit selon la définition « Dead Director » pour des mots croisés…
A la même question, Dante reconnaît faire de plus petits films, mais il est toujours là.
Selon lui, il y a surtout une évolution des spectateurs, dans un monde devenu très difficile.
Les écrans diminuent sans arrêt de taille, alors qu’à l’époque de sa jeunesse il y avait des doubles programmes le samedi après midi spécialement conçus pour les jeunes, avec en plus des 2 films, 10 dessins animés et des épisodes de serial.
Les films sont faits pour le grand écran, et pour être partagés avec un public, une comédie sera plus drôle ainsi, un thriller plus effrayant, un drame plus triste, en en partageant l’expérience à plusieurs…

Joe Dante regrette tout de même le 35 millimètres, mais il choisit de vivre dans le présent, et de se tourner vers le futur.
Interrogé au sujet du personnage extraterrestre de Wak dans « Explorers », il nous explique que la fin chaotique du film fut due aux changements de tête dans le studio.

Wak répète stupidement des dialogues de films terriens dont il a intercepté l’émission depuis l’espace, sans vraiment les comprendre, ce qui peut être vu comme un danger pour les cinéphiles trop mouton (devenir des Wak).
Alors que les personnages des films de Spielberg se tournent toujours vers l’espace pour trouver des réponses, ici Joe Dante n’en donne finalement aucune, ce qui peut expliquer le bide commercial retentissant du métrage.
Joe Dante fait avant tout les films pour lui-même, sans penser au public, il fait les films qu’il a envie de voir.
Il y a toujours beaucoup d’écrans et de médias dans ses films, car c’est ce qui l’obsède.
Il est aussi fan de comics books et de cartoons, car c’est un enfant des années 50.

Il met beaucoup de références à cette culture consciemment dans ses œuvres, mais il en retrouve aussi après coup en revoyant ses films, des images ou des scènes entières référentielles, qu’il a placé de manière tout à fait inconsciente.

Il fut aussi marqué par le texte « Camp » de Susan Sontag, qui expliquait comment interpréter les anciens films « has-been ».
En 1964, Susan Sontag publia son article sur le "Camp" appelé à devenir la référence pour cette notion.
Elle n'en donne pas de définitions, ou plutôt elle en donne plusieurs, évoluant entre mauvais goût, farce, plaisir de l'exagération, définissant le "Camp" avant tout comme une attitude esthétique.
Le "Camp" s'explique finalement davantage par des exemples que par des explications, étant la jouissance "d'en faire trop" ou le rire intérieur devant celui qui en "fait trop" avec un imperturbable sérieux (car celui qui jouit du "Camp" ne se départit jamais d'une invisible ironie, d'un indécelable recul, d'une certaine cruauté finalement, tandis que celui qui en est l'origine involontaire produit naïvement ce qu'il pense être la Beauté ou l'Art : aux premiers le "Camp", aux seconds le kitsch, le "Camp" devenant la jouissance d'un kitsch TROP kitsch pour être vrai).
Joe Dante ne l’avait pas lu de suite à sa parution, mais en fut bien influencé par la suite.

Il décide, encore étudiant à la Philadelphia Academy of Arts, de créer son propre serial, pour faire marrer la galerie avec un pastiche construit sur un montage d’extraits.
Ça donnera « Movie Orgy », un mix d’extraits et de fausses pubs de 7 heures, dont la projection rend stone !

Il est ensuite engagé par Roger Corman, homme de gauche, producteur radin, qui le formera aux petits budgets.
Il commence par monter des trailers, une bonne expérience pour apprendre à réduire des scènes à leur plus simple expression, pour aller à l’essentiel.
Il restera toujours très fan de Roger Corman, plus intelligent selon lui que tous ses rivaux.
Le cinéma de Joe Dante est un cinoche de juxtaposition.
C’est tout simplement parce que le montage est bien le seul élément propre au cinéma, ses autres aspects (écriture, photo, etc…) se retrouvant dans d’autres formes d’art.
Au début de sa carrière, Dante assure le montage de ses films lui-même, ce ne sera vite plus possible pour les grands studios, mais il suit toujours le montage de très près.

Joe Dante est conscient que tout Hollywood va changer après la sortie du film « Easy Rider », car les producteurs vont désormais chercher de jeunes réalisateurs pour s’adresser à ce nouveau public qu’ils ne comprennent pas.

C’est pour lui une occasion en or de rentrer dans le système…
Il eut beaucoup de chance d’avoir Steven Spielberg, un autre réalisateur, comme interlocuteur, pour faire tampon entre lui et les studios.

« Piranhas » fut une version cheap de « Jaws » assumée dés la première scène, puisqu’on y voit un personnage jouant au jeu vidéo des dents de la mer !


Mais c’est Jaws en plus fun, en plus politisé, et en plus science fiction.


Son succès a valu à Dante de nombreuses propositions pour des films tournés dans l’eau, mais il les a systématiquement refusées, car la pire expérience de sa vie fut bien de devoir retirer une combinaison de plongée !

Selon Dante, « Hurlements » est le premier film de loups garous post-moderne, car ses personnages (aux noms de réalisateurs ayant tournés des films de loups garous par le passé) connaissent déjà l’existence des loups garous par la télévision.
On peut se demander à qui s’adresse toutes ses références permanentes dans ses films.

Dante pense qu’on peut en effet mettre autant de private joke que l’on veut dans un film, du moment qu’on le fait à l’arrière plan de l’intrigue principale.
Ça ne doit pas gêner l’histoire, si on les pige tant mieux, si elles nous échappent tant pis…

Interrogé sur sa relation avec Spielberg, Dante raconte que « Gremlins » devait être un film d’horreur beaucoup plus trash à la base, et que c’est pour cela que Spielberg (ouvrant sa société de production Amblin) est venu le chercher, en ayant déjà réalisé pour de petits budgets.
Joe Dante a d’ailleurs ainsi eu l’occasion de tourner aussi son segment de « Twilight zone » (où il est curieusement aussi question de gremlin), car Spielberg le réalisait en même temps.

Pour Dante, ses gremlins sont bien ceux des pilotes de la RAF durant la seconde guerre mondiale, mais dans une version plus « Bugs Bunny » !
Le concept des gremlins avait d’ailleurs été adapté en livre pour enfants par l'écrivain Roald Dahl, et Disney voulait même en faire un dessin animé, projet qui fut abandonné suite au film de Dante.

Joe Dante nous explique aussi que l’acteur Dick Miller est bien son talisman porte bonheur, car il a grandi en le regardant, et pense que c’est un acteur brillant.
Rencontré durant son époque Corman, car il tournait beaucoup pour lui, il s’est promis de le faire jouer quand il serait à son tour réalisateur.
C’est devenu ensuite un ami, et il figure absolument dans tous ses films.
D’ailleurs, quand il lit un scénario, Dante se demande toujours si il a envie de faire ce film, puis si il y a bien un rôle pour Dick Miller !
Pour ceux qui veulent savoir qui est Dick, il y a un excellent documentaire à ne pas rater, intitulé « That guy Dick Miller ».

Kevin McCarthy (alias Dr Miles Bennell dans « L'Invasion des profanateurs de sépultures », film de science-fiction américain réalisé par Don Siegel, sorti en 1956) est aussi un acteur très prisé par Dante, comme il n’y avait aucun rôle pour lui dans Gremlins, il a quand même placé un stock shot de « L'Invasion des profanateurs de sépultures » !

Dante fait remarquer que « L'Invasion des profanateurs de sépultures » est un film remaké à chaque nouvelle génération de spectateurs, mais il préfère la première version, où les aliens peuvent être repérés par le comportement bizarre des gens qu’ils remplacent…
En effet, dans la version suivante ça se passe à San Francisco, et selon Joe Dante tout le monde est bizarre de toute façon là-bas !

Robert Picardo (Star Trek Voyager, Stargate) est aussi bien présent dans la plupart de ses castings.
Dante a l’obsession des années 50, car elles représentent son enfance, mais aussi un univers de conte de fées où la stylisation était de toute beauté (il compare d’ailleurs Strasbourg à ce petit paradis de fantasme esthétique).
Par un ami, Dante a appris que Frank Cappra ne fut pas du tout amusé par l’hommage qui lui ait rendu dans Gremlins !
Trois semaines avant le tournage de Gremilns, Guizmo devait encore s’y transformer en vilain, mais c’est en voyant son design définitif que Spielberg a suggéré qu’il demeure l’ami du héros jusqu’au bout.
Pour faire accepter ce design, Dante avait fait donner à Guizmo la couleur du chien de Spielberg !
Les films de Dante présentent toujours une vison entropique d’un chaos apocalyptique, car c’est un enfant de la guerre froide, durant laquelle tous avait peur de recevoir une bombe nucléaire (peur encouragée par le gouvernement).

En dessin animé on peut tout faire, utiliser les codes du dessin animé dans ses films offre à Dante un sas burlesque à l’horreur.
Il a une sensibilité de cartoonist, dont il regrette d’ailleurs les techniques traditionnelles.
Son réalisateur préféré est Frank Tashlin.
Frank Tashlin (19 Février, 1913 - 5 mai 1972), né Francis Fredrick von Taschlein, était un Américain animateur, scénariste et réalisateur.
Il était aussi connu comme Tish Tash et Frank Tash.
Il a travaillé pour Walt Disney, Warner Bros, et les Marx Brothers.
Il a réalisé des tas de « Looney toons » classiques…

Ce réalisateur de dessin animé devenu réalisateur de films live est la principale inspiration de Joe Dante sur le film « L’aventure intérieure ».
Le réalisateur-producteur fictionnel dépeint dans « Matinée – Panique à Florida beach » est un mélange de Orson Wells et de Franck Castle, tandis que l’enfant héros du film (fasciné par ce dernier) est en fait Joe Dante lui-même.
Selon Dante, la différence entre la peur réelle et celle de la fiction, est que la fictionnelle peut aider à dépasser celle de la réalité.
Joe Dante ne sait pas trop pourquoi « Matinée » n’a pas trouvé son public, à part que le studio ne savait pas comment le vendre…
« Man-ant » le faux film dans le film a été vraiment tourné (25 mn), sans chercher à faire exprès du « grindhouse », mais plutôt en essayant de faire les SFX les meilleurs possibles.
Il ne s’agissait pas de se moquer des nanars en les parodiant, mais bien de faire aussi bien qu’eux au premier degré.
Aujourd’hui Joe Dante s’occupe du site « Trailers from hell », où il fait commenter des bandes annonces de vieux nanars par des réalisateurs qui les chérissent.
Le Studio voulait la séquelle de Gremlins, pas lui, il l’a faite pour pouvoir faire ensuite d’autres projets plus personnels en échange, et du coup il ignore si un Gremlins 3 se fera un jour, les droits ne lui appartiennent pas, et il se peut que cela se fasse sans qu’il y est quoique ce soit à dire…
En conclusion, Dante aimerait penser que le cinéma pourrait sauver le monde… mais si c’était possible, « Docteur Folamour » l’aurait déjà fait !!!