BELIEVER – DOKJEON

 

Pays : Corée du Sud

Année : 2018

Durée : 2h03

Version : Coréen, sous-titré en anglais et français

Avertissement : interdit aux moins de 16 ans

Réalisation : Lee Hae-young

Production : Syd Lim, Jung Hee-soon

Scénario : Lee Hae-young, Chung Seo-kyung

Photographie : Kim Tae-kyung

Montage : Yang Jin-mo

Musique : Delpalan

Interprétation : Cho Jin-woong, Ryu Jun-yeol, Kim Sung-ryoung

L'Avis du FEFFS :

 

Aidé de l’homme à tout faire, devenu informateur, d’un cartel de la drogue, l’inspecteur Won-ho se lance à la poursuite de M. Lee, le légendaire baron dont personne n’a jamais vu le visage.

Mais cette traque impitoyable sème destruction et cadavres dans son sillage.

Toutes les pistes taries et l’affaire retirée, Won-ho demeure obnubilé par la capture de Lee.

Believer est un thriller stylisé, mené au rythme furieux de scènes d’action explosives entrecoupées de portraits saisissants de criminels et de policiers, un genre où le cinéma coréen excelle.

Avec une profusion de personnages singuliers au taux de survie très limité, les interprétations remarquables de Cho Jin-woong et de Ryu Jun-yeol ajoutent une profondeur supplémentaire à ce film sous haute tension.

 

Mon Humble Avis :

Believer (Hangeul ; Dokjeon ; littéralement « Saisie ») est un film policier d'action sud-coréen coécrit et réalisé par Lee Hae-young, sorti le .

Il s’agit d'une reprise du film hongkongais Drug War de Johnnie To sorti en 2012.

Dans le but de mettre un terme au plus grand trafic de drogue d'Asie, l'inspecteur Won-ho est déterminé à arrêter son mystérieux chef, qui est seulement connu sous le nom de « Monsieur Lee ».

Il s'associe pour cela avec Rak, une petite frappe membre du cartel qui désire aussi se venger de Monsieur Lee...

La réalisation de Lee Hae-young est nerveuse et intense, même si elle n'a peut être pas la classe et l'ambition de celle de Johnnie To, mais nous reviendrons sur la comparaison avec le film original en fin d'article...

Les cadrages usent d'une bonne variation de valeurs de plans, on trouve de nombreux plans larges sur de vastes décors, des plans moyens de dialogues, des gros plans sur les expressions des acteurs, c'est une grammaire visuelle riche et employée avec intelligence et efficacité.

Néanmoins, on ne retient aucun effet de style particulier, ce sont des cadres signifiants sans une personnalité vraiment marquée.

La photographie est plus travaillée, on y trouve principalement des tons froids, bleutés, avec des pointes de oranges pour relever l'image sur des détails à mettre en valeur.

 

Le montage est énergique, il y a des passages avec une véritable tension nerveuse, et des affrontements (armés ou à mains nues) impressionnants (surtout un combat de filles bien violent).

Les décors sont principalement urbains, et sont assez variés : ça va de la suite dans un hôtel de luxe, au laboratoire de production de drogue, en passant par un fast-food, ou les bureaux de la brigade des stups...

On sort de la ville pour la campagne, et les scènes d'introduction et de conclusion se déroulent dans l'isolation totale des montagnes enneigées.

Rien à signaler question costumes, ils sont juste réalistes et sobres, les seuls personnages ayant un look vraiment déjanté sont la jeune junkie du début, et le couple de mafieux chinois.

 

Les effets spéciaux de maquillage sont pros, il y a pas mal de gore pour un polar (passage à tabac, brulures, impacts de balles), et c'est assez réaliste.

La musique est le gros point fort du métrage : elle mélange électronique et symphonique d'une façon harmonieuse, profitant des avantages des deux.

Les mélodies symphoniques sont dramatiques et apportent un ton grave et profond, tandis que les rythmes électroniques amènent le suspens et renforcent l'action.

Les deux ne s'alternent pas, mais sont au contraire mêlés de façon organique, cette fusion profite vraiment aux ambiances du film.

 

Le casting est excellent.

le flic est charismatique et tourmenté, tandis que l'indic est impassible et mystérieux.

Mention particulière à Kim Joo-hyuk, qui joue le mafieux chinois, il est vraiment déjanté et effrayant, avec une intensité qui crève l'écran.

C'est d'ailleurs le dernier film de cet acteur, qui est mort dans un accident de voiture en octobre 2017 !

Au final, on peut dire que si Believer ne sera pas un film culte inoubliable, il reste pourtant un bon polar bien tendu, où on ne s’ennuie pas une seconde, jusqu'à son twist final à la "Usual Suspects" !

 

Maintenant, revenons à la comparaison promise avec le film original dont "Believer"est le remake...

Drug War (en chinois : Du zhan) est donc un film d'action hongkongais et chinois réalisé par Johnnie To et produit par Johnnie To et Wai Ka-fai, sorti en 2013

Présenté en première mondiale au festival de Rome le 15 novembre 2012, Drug War a été doublement projeté en mars 2013 durant l'Entertainment Expo Hong Kong (à la fois au festival HKIFF et au marché du film FILMART).

Il a obtenu le Grand Prix du Festival International du Film Policier de Beaune.

Le film a été particulièrement remarqué lors du festival de San Diego dans le cadre du festival du film asiatique.

Le film est sorti le 2 avril 2013 en Chine et a rapporté 13,070,000 dollars pour la première semaine, atteignant la troisième position au box-office chinois !

Le film a rapporté un total de 23 180 000 dollars en Chine. Le film est sorti le 18 avril 2013 à Hong Kong et le montant des recettes est de 639 155 dollars.

Au septième récompense des films asiatiques, Drug War a été sélectionné dans la catégorie du meilleur film, du meilleur scénariste et du meilleur montage.

 

Avant l'écriture du script, To et Wai ont fait des recherches importantes.

Ils ont rencontré des douzaines d'officiers de la police du territoire, des plus hauts placés aux nouvelles recrues et ont recueillis des douzaines d'histoires.

À la fin, plusieurs histoires ont été écartées car elles déclenchaient trop de controverses et il serait inévitable qu'elles seraient refusées par le Bureau de la Censure, d'autres ont été mises de côté car elles étaient jugées trop excentriques (les réalisateurs pensaient que le public ne pourrait pas les croire).

Les métamphétamines (le crystal aussi nommé ice, shabu, et bingdu en Chine) sont un sujet particulièrement sensible en raison de la libre disponibilité d'ingrédients clés comme la pseudoéphédrine et l'éphédrine qui sont largement fabriquées en Chine.

Le réalisateur a choisi de se servir de ce canevas pour son script.

Ils espéraient passer à travers les fourches caudines de la censure car personne ne pourrait s'opposer à l'idée d'arrêter des dealers de drogue qui est la fin très morale du film.

Au fur et à mesure que Johnnie To et Ka-Fai approfondissaient leurs recherches, ils ont été fascinés par la complexité des opérations menées que ce soit chez les policiers ou les chez les délinquants.

Le laboratoire de métamphétamines a été construit sous l'autorité d'un professeur d'université, et montre précisément le processus de fabrication de métamphétamine.

Le laboratoire est un endroit qui doit pouvoir rapidement se démonter et se ranger dans un camion en cas d'alerte d'arrivée des policiers.

Pendant longtemps, la mégastar de Hong Kong Louis Koo a été envisagée dans le rôle de Timmy Choi, un important fabriquant et la star chinoise Sun Honglei dans le rôle de Zhang, le capitaine de police dévoué.

Plusieurs films de Johnnie To présentaient souvent les Chinois qui venaient à Hong Kong comme ceux qui étaient à l'origine des troubles.

Johnnie To et Ka-Fai se sont particulièrement réjouis de renverser les rôles à travers ce film.

Dans Drug War, les criminels sont joués par des acteurs hongkongais, tandis que les gentils sont en grande majorité interprétés par des acteurs chinois.

Les acteurs ont suivi une intense préparation.

L'entraînement de Sun Honglei a été si poussé qu'il aurait pu rejoindre le département de la police en suivant les missions actuelles.

« J'étais dans la brigade anti-drogue de Yunnan.

J'ai mis ma vie entre leurs mains et j'ai participé à des missions qui auraient pu mettre en danger ma vie.

Une fois, un indicateur nous a informé que les trafiquants de drogue chez qui nous avions l'intention de faire une descente étaient armés de grenades et de mitrailleurs.

J'ai décidé du me porter volontaire pour suivre la mission.

Sur le moment, je n'avais pas peur mais maintenant que je peux réfléchir à la situation, cela me donne rétrospectivement des frayeurs. » a précisé Sun Honglei.

Johnnie To et Ka-Fai ont décidé de réaliser un thriller qui se situe sur le continent.

Un débat important a eu lieu pour envisager le poids de la censure qui est incroyablement stricte sur le continent.

Sur 500 films produits sur le continent chaque année, seulement deux ou trois sont des thrillers.

Les réalisateurs espéraient que le film échapperait à la censure.

Johnnie To n'a pas retiré les scènes de coups de poing, imposant sa marque de fabrique (satire politique et humour noir) pendant tout le film y compris durant la scène de l'interrogatoire où un panneau d'instruction sur lequel est écrit « Pas de tortures pour les suspects pour obtenir des confessions » est partiellement caché par un officier de police et devient « tortures pour les suspects pour obtenir des confessions » !

 

Alors il est évident que Drug War est un film plus sérieux, au sens du réalisme, et plus courageux, car tenir ce genre de propos est tout de même plus culotté en Chine qu'en Corée du sud.

Esthétiquement, la photo bleutée avec des pointes d'orange est une idée piquée au film original, de même que le mélange électro-symphonique de la musique (moins puissante en Chine).

Le remake n'a donc rien inventé stylistiquement !

L'introduction est plus claire, on est rapidement dans la trame principale, sans la digression inutile de la junkie à venger du film coréen.

Question narration, le film chinois est plus dégraissé, il va à l'essentiel, pour nous décrire les méthodes réelles des deux camps.

Il est aussi plus trash, la drogue cachée dans le colon, les policiers en filature qui n'ont qu'une hâte c'est de pisser, etc...

Par contre, l'invention de la mort de la mère et des blessures du chien qui poussent l'informateur à collaborer dans Believer est une bonne idée, car dans l'original il se met à tout balancer sans même qu'on l'est menacé.

Cependant, le jeu de Louis Koo est plus subtil, il est moins impassible, plus humain, alors que dans Believer le twist est pas éventé facilement à cause du jeu de l'acteur.

A l'opposé, Kim Joo-hyuk est 100 plus intense que l'acteur chinois dans l'original, de même que la coréenne qui joue sa maîtresse, et les séquences du rencart sont beaucoup plus tendues dans le second film.

 

Le rôle de la fliquette est plus important dans l'original, elle est plus active, moins potiche.

Il est aussi plus clair dans Drug War que les ouvriers du labo sont sourds muets pour ne pas pouvoir raconter ce qu'ils savent.

A l'inverse le deuil de Louis Koo est moins touchant, puisque le décès de sa femme n'est pas montré.

Les flics chinois sont beaucoup plus efficaces que leurs homologues coréens, leur descente au labo de campagne est carrément une opération militaire rondement menée.

Les fusillades chinoises sont plus chorégraphiées, moins chaotiques, par contre les bastons à mains nues coréennes sont bien plus violentes.

Globalement Believer est plus speed, le suspens y est plus intense, tout est plus nerveux, l'action, le jeu des acteurs, la musique, le montage...

Drug War est plus auteurisant, plus soigné en cadrages, plus réaliste et souhaitant vraiment informer plus qu'épater la galerie.

 

Notons que la deuxième partie de Drug War, une fois l'infiltration bien entamée, diffère totalement de celle de son remake.

Le réalisateur Lee Hae-young a donc su créer de vrais surprises mais en tirant le récit vers la pure exploitation.

La fusillade interminable sur le parking de Johnny To a quand même la classe, avec ses cadres millimétrés, c'est tout de même le meilleur en activité pour ce genre de scènes, il valait mieux que Believer parte dans une autre direction...

En conclusion, beaucoup moins moralisateur, mais aussi moins réaliste que l'original, le remake est donc une variation intéressante aussi, certes plus série B que son modèle, mais loin d'être une version inutile.