THE TRAGEDY OF BUSHIDO


Directeur : Hidetaro Morikawa Producer: Ginichi Kishimoto
Scenariste : Hidetaro Morikawa
Photographie : Takao Kawarazaki
Musique : Riichiro Manabe
Interprètes : Miki Mori, Hizuru Takachiho, Junichiro Yamashita
Pays : Japon
Durée : 1 h 54
Année : 1960

Synopsis :

À la mort du seigneur de son clan, le jeune Iori, 16 ans, doit respecter la tradition du Junshi en se suicidant par fidélité. Sa belle-soeur Okou, qui l’a élevé, veut séduire Iori afin qu’il puisse mourir en homme et non puceau. Un décret est ensuite proclamé mais l’heureux message qu’il délivre a des conséquences tragiques.

Mon Humble Avis :

Hara Kiri est un rituel japonais avant d’être un journal de BD satirique !
Le bushido est le code des principes moraux que les samouraïs japonais étaient tenus d'observer.
Ce code de vie a emprunté au Bouddhisme l'endurance stoïque, le respect du danger et de la mort ; au Shintoïsme, le culte religieux de la Patrie et de l'Empereur ; au Confucianisme, une certaine culture littéraire et artistique ainsi que la morale sociale des « relations » : parents-enfants, maître et serviteur, époux, frères, amis.
La plupart des samouraïs vouaient leur vie au bushido, un code strict qui exigeait loyauté et honneur jusqu'à la mort.
Si un samouraï échouait à garder son honneur il pouvait le regagner en commettant le seppuku (suicide rituel), que l'on connaît mieux en occident sous le terme de « hara-kiri » ou « l'action de s'ouvrir le ventre » (hara : le « ventre », siège du ki (puissance, énergie) et kiri : « coupe »).
Cependant, il faut noter une différence non négligeable entre seppuku et hara-kiri.
Le seppuku permettait à un guerrier vaincu de se donner la mort et de pouvoir ainsi mourir avec son honneur (le vainqueur abrégeait ensuite ses souffrances).
Le hara-kiri était une façon de se donner la mort qui permettait de retrouver son honneur à la suite d'un événement considéré comme déshonorant (lâcheté, traîtrise...).
Dans le Japon féodal, on parlera de hara-kiri pour une personne se donnant la mort à la suite par exemple d'une humiliation (adultère par exemple) et de seppuku pour une personne assumant une défaite et se donnant la mort (guerrier perdant une bataille).
Cette nuance est sensible et importante dans la compréhension du bushido…
Le seppuku (littéralement « coupure au ventre »), comme le hara-kiri, est donc une forme rituelle de suicide masculin par éventration, apparue au Japon vers le XIIe siècle dans la classe des samouraïs, et officiellement interdite en 1868.
Traditionnellement, le seppuku était réalisé dans un temple en s'ouvrant l'abdomen à l'aide d'un wakizashi (sabre court) ou d'un poignard de type tantō, ce qui libère l'âme.
La forme traditionnelle consiste en une ouverture transversale (dans la largeur), sous le nombril.
Le seppuku comporte une version encore plus douloureuse, le jumonji-giri, qui consiste à rajouter une coupe verticale (de haut en bas) à la coupe horizontale pour marquer sa volonté d'expiation.
Il existe une version moins honorable (et moins douloureuse) dans laquelle un « ami » (kaishakunin) coupe la tête pour une mort instantanée.
Le seppuku était traditionnellement utilisé en dernier recours, lorsqu'un guerrier estimait immoral un ordre de son maître et refusait de l'exécuter.
C'était aussi une façon de se repentir d'un péché impardonnable, commis volontairement ou par accident.
Plus près de nous, le seppuku subsiste encore comme une manière exceptionnelle de racheter ses fautes, mais aussi pour se laver d'un échec personnel.

Le seppuku étant un rituel masculin, les femmes nobles et épouses de samouraïs pratiquaient le jigai, une forme de suicide consistant à se trancher la gorge (carotide) avec un poignard…
Le film « La tragédie du Bushido » traite de tout ses sujets, au moment même où le seppuku est sur le point d’être aboli, en 1868.

Le message traite donc du caractère inéluctable de la société japonaise, où le samouraï doit obéissance à un code de l’honneur plus important que tout autre considération.
Les émotions individuelles sont sans valeur dans ce contexte, face au respect des traditions…
Mais l’amour sera-t-il plus fort ?

La réalisation est académique, avec des sursauts de modernité dans l’intensité dramatique.

Les cadrages usent d’une composition géométrique, avec un équilibre zen.
On trouve des plans très larges, ou des plongée qui écrase l’homme face à son destin.
Ce sont bien sûr des choix signifiants, le samouraï est dans l’impossibilité de se soustraire au bushido.
La majorité des cadres sont des plans fixes, mais il y a aussi régulièrement quelques panoramiques.
Il y a aussi des plans obliques pour insister sur le doute lors du seppuku.

La photographie est en noir et blanc avec un joli modelé par les ombres.

Le montage est lent, on y trouve des arrêts sur image en pleine action (avec les dialogues qui continuent), et parfois des plans séquences de dialogues sans champ/contrechamp.
Il y a quand même des temps morts assez somnifères.

Les décors offrent de belles architectures médiévales, et des intérieurs en studio, avec tatamis et murs coulissants, jouant la carte de la sobriété.
On voit aussi des espaces naturels bucoliques à proximité d’un lac.

Les costumes sont assez sombres, pour faire ressortir les silhouettes devant les murs de papier blanc.
On y voit de beaux motifs de tissus imprimés sur les kimonos.
Les coiffures féminines sont sophistiquées.

Il n’y a aucun effet spécial dans ce film, les blessures ou mises à mort ayant lieu hors champ.

Le casting montre un jeu intériorisé, où les émotions sont le moins exprimées possible, à part une nervosité contenue, et un abattement résigné.
Pour un trekkies comme moi, voir jouer des japonais dans un vieux film s’apparente à voir des Vulcains dans Star Trek !
Il y a de plus une lenteur à déclamer des dialogues solennels, ainsi qu’un jeu sur les silences…
Notons que le héros a vraiment un physique plus avantageux que les autres.

La musique est grave et dramatique, très premier degré.
Elle offre un suspens lancinant, et atteint même des mélodies obsédantes créant un vrai malaise.

En conclusion, ce film est daté, mais toujours intense, il est cependant à réserver aux cinéphiles connaisseurs de vieux chambara.